Monastère Saint Silouane

Dimanche de la Croix

7/4/24          Mc VIII, 34-IX, 1    Dimanche de la Croix
 
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Nous arrivons déjà à la moitié notre temps de carême et aujourd'hui l’Eglise fête la Sainte Croix du Seigneur Jésus, cette fête, qui n’est pas la grande fête de l’Exaltation de la Croix du 14 septembre, est plutôt une fête commémorative d’un évènement qui a eu lieu grâce à la Croix du Seigneur ; mais, en même temps, si l’Eglise nous propose de vénérer, de contempler et de fêter la Croix du Seigneur Jésus ce n’est pas pour rien ;

Certes voilà plusieurs semaines que nous sommes déjà entrés dans ce temps de purification, de retournement, de conversion mais avant tout du constat de nos faiblesses, de nos limites, de nos incapacités et de nos fautes ; si nous fêtons la Croix aujourd'hui c’est justement pour nous souvenir que toutes nos faiblesses, toutes nos chutes, tous nos péchés ont été ôtés de nos cœurs et de nos âmes par la Croix du Seigneur ; en effet, Il a voulu – et c’est une décision trinitaire avant tout – Il a voulu, Il a accepté de venir au milieu de nous pour nous montrer combien nous étions aimés par le Créateur et combien, malgré toutes nos fautes depuis Adam jusqu’à aujourd'hui et jusqu’à la fin des temps probablement, tous ces péchés, le Christ a voulu en supporter les conséquences en portant sa Croix puis en se laissant crucifier sur ce morceau de bois ; et c’est par amour qu’Il l’a fait pour nous montrer que, malgré nos faiblesses, nos limites, nos incapacités nous étions aimés de Dieu quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvions l’amour de Dieu, lui, reste inchangé par rapport à chacun et à chacune d’entre nous ; nous sommes aimés de Dieu à un point que nous ne pouvons pas comprendre par notre raison, par notre intellect ; ce que nous constatons c’est que Jésus, le Juste parfait, a subi toutes les injustices et c’étaient les conséquences de nos propres fautes ; Il portait sur Lui sa Croix, c'est-à-dire les conséquences de nos péchés et Il l’a fait par amour ; Il le dira Lui-même : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » et c’était son cas, Il donnait sa vie - pendant sa Passion et sur la croix - pour nous montrer combien nous étions aimés ; il y a  des moments, des circonstances de nos vies où nous avons fait telle ou telle bêtise plus ou moins grave, plus ou moins conséquente et qui nous accable parce que nous prenons conscience que nous nous sommes écartés de Dieu complètement, que nous nous sommes en fait ramassés sur nous-mêmes dans notre ego si violent, dans notre orgueil si tragique, oubliant Dieu ; et le Seigneur Jésus est venu nous rappeler que quelle que soit la gravité de nos fautes nous étions aimés ; nous en avons des témoignages à presque toutes les pages de l’Evangile lorsque nous le lisons ou l’entendons ; regardez la femme adultère : elle a commis une faute qui, selon la loi juive doit être condamnée à mort par lapidation ; le Christ assiste à cet évènement, Il ne dit rien, il nous est seulement dit qu’il écrivait quelque chose dans le sable et puis au bout d’un moment alors que la situation s’aggravait Il a pris la parole et Il a dit : « Que celui qui n’a jamais péché lui lance la première pierre » et, tous, en commençant par les plus anciens, nous est-il dit, tous, sont partis ; et le Seigneur a dit à la femme : « Va, continue ton chemin et ne pèche plus » mais Il ne l’a pas condamnée, Il ne l’a pas rejetée, Il ne l’a pas méprisée, Il lui a accordé, à l’avance, le bénéfice de ce qu’il vivra plus tard sur la croix et lors de la Passion ; nous pourrions prendre beaucoup d’autres exemples : la Samaritaine au puits de Jacob, Zachée dans son arbre qui se cache à cause de ses fautes, etc. ; et puis il y a nous, nous qui nous connaissons au moins un peu, sinon beaucoup : nous savons ce que nous sommes capables de faire, de ce que nous avons été capables de faire, de ce que nous sommes capables de faire aujourd'hui ou demain, nous le savons mais en fait nous nous renfermons sur nous-mêmes dans notre égoïsme et pourtant c’est pour nous que le Seigneur est mort sur la Croix ; rappelez-vous la phrase vitale et importante qu’Il a prononcée alors qu’Il était crucifié : « Père, pardonne-leur parce qu'ils ne savent pas ce qu’ils font » ; Il va jusqu’à demander le pardon pour ses bourreaux, pour ceux qui L’accablent, Lui, le Juste, Lui, le Parfait, Lui le Saint parmi les saints, le grand Saint, le plus grand des Saints, notre Dieu, Il pardonne c'est-à-dire qu’Il aime car pardonner c’est donner au-delà de ce qu’il est possible et cela ne peut se faire que par une démarche profonde d’amour de l’autre ; le démon vient souvent lorsque nous sommes tombés, quand nous avons commis quelque faute plus ou moins grave, le démon arrive très vite même si c’est lui qui a provoqué la chute pour nous culpabiliser, pour nous décourager, pour nous faire entrer dans le désespoir – sous-entendu, c’est fichu, tu es tombé, tu es condamné éternellement - mais c’est un menteur, c’est un menteur car il n’a pas voulu entendre, alors qu’il le sait, que le Christ est mort pour nous, justement parce que nous étions pécheur ; si nous avions été parfaits, à quoi bon son Incarnation ; je me souviens d’avoir lu dans ma jeunesse monastique, d’avoir lu un texte d’un pasteur protestant que je considère d’ailleurs comme un Saint, le pasteur Bonhoeffer, qui a subi toutes les conséquences de la guerre ; Il écrivait à ses frères qui souhaitaient, désiraient, exigeaient que leur communauté chrétienne soit parfaite et  leur répondit : ce que vous demandez là c’est une hérésie car vous niez l’Incarnation du Christ ; pourquoi  le Christ serait-il venu si nous étions des communautés parfaites ? C’est pour cela que nous vénérons la Croix parce que c’est sur la Croix et avec la Résurrection que tout nous a été offert ; le sang que le Christ a versé, sa mort qu’il a donné, son ensevelissement, tout cela Il nous l’a offert pour notre salut ; c’est pour cette raison que nous vénérons la Croix sinon cela pourrait être un acte de magie ; mais non, ce n’est pas un acte de magie, c’est un acte de vénération, de reconnaissance, d’action de grâces et d’amour, d’amour du Christ qui donne sa vie pour ses amis ; voilà pourquoi, au milieu du carême, alors que peut-être nous commençons à nous décourager de constater que nous ne parvenons pas à prier comme il convient, à jeûner comme il convient, à aimer comme il convient ; nous pouvons être tenté par le découragement parce que le démon fera tout pour nous décourager mais justement l’Eglise nous propose la Croix ; nous avons la chance d’avoir une très belle relique de la Croix qui est au milieu de l’église et nous la vénérons, nous l’aimons parce qu'elle est l’arbre de vie ; cet arbre de vie qui existait dans le Paradis, cet arbre de vie qui, à cause d’Adam et d’Eve est devenu quelque part un arbre de malheur, cet arbre qui, par le Christ, par son Incarnation et son désir profond de nous montrer, de nous démontrer que nous étions aimés, cet arbre qui était un arbre déchu devient l’arbre de vie ; la Croix du Christ est l’arbre de vie, c’est pour cela que nous faisons le signe de la Croix sur nous ; quand nous le réalisons – je vous l’ai déjà dit – ne faisons pas un signe de croix qui ne veut rien dire, comme si on jouait de la guitare, non, un signe de croix cela s’exécute depuis la tête, jusqu’à notre ventre et de chaque côté de nos épaules, c'est-à-dire sur tout notre être profond qui est sauvé, de la tête aux pieds, par la Croix du Christ ; c’est pour cette raison que, lors de notre baptême, on nous remet la Croix du Christ autour du cou pour que nous la portions toute notre vie ; c’est pour cette raison que nous avons des croix dans nos églises, dans nos appartements, dans nos maisons, dans nos campagnes :  traversez les campagnes de France vous verrez des croix, des calvaires partout ; alors la civilisation européenne, actuelle, est telle qu’on voudrait enlever ces croix, on a même voulu enlever la statue de la Vierge Marie dans un endroit, on a voulu interdire les crèches à Noël, on a voulu éliminer Celui qui était venu pour nous sauver ; alors on remplace la croix par la télévision, la belle voiture, la belle maison, etc. ; tout cela c’est de la vanité ; ce n’est pas interdit d’avoir la télévision ou une voiture mais ceux qui sont les plus riches sur cette terre – et il y en a, il y en a beaucoup plus qu’on ne croit – ce sont les plus malheureux : combien d’entre eux se sont suicidés même, combien de grands artistes qui avaient des millions et des millions d’euros dans leurs poches, des châteaux, des maisons, des voitures, des serviteurs ont terminé leur vie dans le désastre complet ; par contre je connais certains artistes qui ont vécu et qui sont morts en chrétiens.
Alors voilà pourquoi nous fêtons la Croix parce que c’est une question de vie, une question de vie. Je vous disais tout à l’heure lorsqu'on est baptisé on est plongé dans l’eau qui est une eau purificatrice que le Christ a purifiée en s’y plongeant, Lui-même, c'est-à-dire en plongeant tous nos péchés dans l’eau pour qu’ils soient lavés et c’est pour cela que lorsqu'on nous baptise on nous baptise dans l’eau par trois fois puis on nous remet la Croix du Christ autour du cou.
Je terminerai par une petite histoire vraie. Dans un camp de jeunes, il y a une cinquantaine d’années et l’aumônier de l’époque était le Père Cyril Argenti – de bienheureuse mémoire, un pasteur extraordinaire  - et parmi les jeunes il y avait un petit garçon qui n’était pas baptisé et qui ne communiait donc pas et il a demandé le baptême, ses parents étaient là, ils étaient éducateurs du camp, ses parents ont été d’accord et le Père Argenti a emmené tous les enfants au bord de la rivière pour le baptiser dans l’eau de la rivière, c’était le lieu idéal, le jourdain du moment et alors il l’a plongé une fois, deux fois, trois fois et il se trouve qu’en face de la rivière il y avaient des pêcheurs à la ligne qui assistaient à l’évènement et qui ont eu peur, qui ont appelé les pompiers en disant : il y a quelqu'un qui se noie alors les pompiers ont dit : qu'est-ce qui se passe ? Et le Père Cyril Argenti s’adresse leur dit : c’est très simple, il était mort, il est ressuscité, rentrez chez vous.
Voilà pourquoi le Christ est mort pour nous, voilà pourquoi Il s’est plongé dans les eaux du Jourdain, voilà pourquoi Il a été crucifié et voilà pourquoi, grâce à la croix suivie de la Résurrection, nous sommes tous sauvés. Rendons grâce à Dieu.
Amen

 

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