Talents
16/9/2018 Mt XXV, 14-30
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Dans cette parabole que le Seigneur nous propose il veut nous enseigner sur les différents dons que nous avons reçus de sa part ; ces dons nous les avons reçus au moment où nous avons été baptisés, où nous sommes entrés dans l’Eglise, ce sont les dons du Saint Esprit. Ces dons sont multiples, variés et chacun de nous en a reçu une part. A l’un est donnée la compassion, à une autre la joie de vivre, à un autre la charité, à une autre d’aider son prochain chaque fois que l’occasion se présente, à un autre la prière, etc. L’important c’est l’enseignement de cette parabole, c'est-à-dire que nous avons tous reçu quelque chose, un don de Dieu (On parle de talents, dans la parabole, parce que le talent était une pièce de monnaie de l’époque et ce mot talent est devenu synonyme de don dans le langage courant). Alors il est bon, sans orgueil, de connaître les talents, les dons que nous avons reçus du Seigneur pour pouvoir les faire grandir en nous, les offrir à ceux qui nous entourent car c’est bien la leçon de cette parabole : il ne s’agit pas de cacher son talent, pour une raison ou pour une autre, soit par oubli, soit par fausse modestie. Il s’agit d’offrir le talent et de le faire grandir si l’occasion se présente. Il est donc légitime que chacun d’entre nous, de manière régulière, pas tous les jours bien sûr mais de temps en temps, se demande ce que Dieu lui a donné. Parce qu'on réclame beaucoup à Dieu : on réclame beaucoup de choses, tout le temps, mais on oublie qu’il nous a déjà donné quelque chose et avant de Lui réclamer d’autres choses, regardons déjà ce qu’Il nous a donné pour en vivre et pour que les autres en vivent aussi. Un jour quelqu'un m’a dit : « ô oui, oui, les autres ont du talent, moi je n’en ai pas ». Et bien voyez-vous il était dans l’erreur car Dieu donne du talent à tout le monde. Alors peut-être on peut se dire : « Mais moi je n’ai pas de talent : je ne sais pas peindre, je ne sais pas bien aimer, je ne sais pas prier, je ne sais pas jeûner, je n’ai pas de joie de vivre, etc. etc. ». Peut-être, mais Dieu nous a donné au moins un talent. Rappelez-vous dans la parabole : le dernier reçoit un talent et ce talent c’est l’amour. Dieu nous donne son amour, Il nous donne de participer à son amour et c’est peut-être le talent le plus important. Nous n’aurions que celui-là que nous aurions le plus conséquent dans notre vie : aimer, chercher à aimer parce que cet amour nous l’avons reçu puisque Dieu est amour et que Dieu s’est offert à nous, Il s’est donné à nous et il continue de se donner à nous, soit dans les sacrements, soit dans l’Eucharistie principalement mais aussi dans les autres sacrements et puis au travers de nos frères, de nos sœurs, Il nous donne ce talent qui s’appelle l’amour. Alors que faisons-nous de ce talent et que faisons-nous des autres talents ? C’est la question que nous devons nous poser régulièrement. Aimer n’est pas toujours facile, aimer est même quelque fois difficile mais nous avons toujours la possibilité d’aimer puisque le Seigneur nous a dit : « Aimez jusqu’à vos ennemis ». S’Il le dit c’est que c’est possible avec sa grâce et l’amour c’est la grâce de Dieu. Cela veut dire qu’aucun d’entre nous n’est sans talent et que nous avons la responsabilité de faire grandir ce talent en nous. A nous de trouver comment, de saisir les occasions et de développer notre ou nos talents. Je me souviens de quelqu'un qui était un grand cuisinier et qui disait toujours : « Lorsqu'on fait la cuisine et que l’on prépare les plats , c’est un acte d’amour ». Et je pense qu’il n’avait pas tort. Il y a trente-six manières de faire la cuisine : on fait la cuisine parce qu'il faut manger, on fait en vitesse un petit truc et puis voilà. Il y a aussi l’amour que l’on va porter dans ses actes de préparation pour honorer celui, celle ou ceux qui viennent manger avec nous, même dans une cuisine banale ; la plus grande recette sera celle justement où il y aura de l’amour ne fut-ce que pour un oeuf sur le plat. S’il y a de l’amour alors oui le talent prend toute sa valeur. Cela veut dire que les talents ne sont pas forcément des grandes choses. Il y a des personnes qui ont reçu des grands talents : les artistes, les musiciens, ceux qui ont le don de pouvoir chanter juste alors que d’autres chantent faux, les architectes, ceux qui ont de grandes responsabilités et qui ont reçu un don pour les mener : s’ils ont des grandes responsabilités par souci d’orgueil, ce n’est pas un don mais s’ils ont reçu le don de gérer une communauté, un peuple, un diocèse, une paroisse alors il faut faire grandir ce don tout au long de la vie. Puis il y a le don d’être père ou mère de famille, être époux ou épouse, enfant ; tout cela ce sont des dons que l’on reçoit. On peut être un bon enfant, une bonne épouse, un bon époux, un bon responsable de paroisse et que ceux qui entourent ces gens disent : « Ah oui comme ils sont bons, comme ils sont généreux, comme ils sont compatissants, comme ils sont souriants, comme ils viennent à notre aide quand on en a besoin ». Un don se mesure au résultat du fruit qu’il porte : si un artiste produit une œuvre et que personne ne la regarde, on peut penser que le don est médiocre mais ce don d’amour que nous avons reçu qu’en faisons-nous ? Est-ce qu’au moment où il est si difficile d’aimer nous oublions que nous avons cette responsabilité du don reçu de l’amour ? Est-ce qu’au moment où il est si difficile d’aimer nous demandons au Seigneur de faire grandir cet amour en nous par sa grâce, par son Esprit-Saint, que vraiment nous puissions aimer ce qui nous paraît impossible aux yeux du monde ? Nous avons des récits de toutes les époques de personnes qui ont été maltraitées, torturées et qui ont réussi à aimer leurs bourreaux, le Christ bien sûr mais aussi d’autres. Je lisais tout récemment l’histoire d’un moine syriaque – c’est une histoire récente, de quelques mois – qui a été arrêté par des gens qui lui voulaient du mal parce qu'il était chrétien, qui l’ont arrêté, qui l’ont injurié, qui l’ont battu, maltraité, mal nourri et dans le récit qu’il nous rapporte, avec grande humilité d’ailleurs, il est heureux, on le sent dans ce récit qu’il ait pu avoir un dialogue avec l’un de ses bourreaux, un dialogue heureux, surprenant. Je pense, je suis même certain, que ce bourreau qui a réussi à sourire et à répondre avec un certain amour à son prisonnier, a eu le bénéfice du talent de cet homme-là. Alors bien sûr c’est un cas exceptionnel mais cela veut dire derrière que tout est possible, que tout talent reçu peut avoir une résonnance, des bénéfices pour les autres. Le talent n’est pas donné pour nous, il est donné pour les autres et c’est cela qui doit entraîner une réflexion en nous, en notre cœur, à l’intérieur de nous-mêmes. Qu'est-ce que je fais de mes talents ? Il ne faut pas avoir peur de les voir mais il ne faut pas en tirer orgueil bien sûr mais humblement ; demander au Seigneur comment je peux les faire grandir, ces talents, comment je peux les offrir. C’est valable pour une communauté monastique, c’est valable pour une famille, c’est valable pour un diocèse, pour une paroisse, c’est valable pour l’humanité entière. Alors demandons au Seigneur d’être clairvoyants sur les talents qu’Il nous a donnés et surtout demandons-Lui de les faire fructifier, de les faire grandir. Si tous les hommes de la terre qui ont tous reçu un talent, si tous les hommes de la terre faisaient grandir leurs talents, je pense que nous ne serions pas là où nous en sommes. La vie serait tout à fait autre. Il y a de très nombreuses années j’ai vécu au Maroc dans le désert. J’ai été accueilli dans une famille très pauvre comme tous ces gens qui vivent dans ces lieux et j’ai vraiment été étonné, frappé, surpris, enthousiasmé par la qualité d’amour de ces gens chez qui je logeais exprimait : c’était une jeune famille : un homme, une femme et des petits enfants. Ils n’avaient rien vous savez : un toit, des murs ; on mangeait par terre sur des tapis mais cela c’est la tradition locale et quand on mangeait, le peu de chose qu’il y avait de meilleur c’était pour moi. Le maître de maison me le donnait. Le premier soir quand il a été question que je me repose pour la nuit on m’a donné le lieu le plus beau : le salon du maître selon la tradition, là où il y avait quelques banquettes tout autour avec des coussins ; ils avaient tout nettoyé, c’était impeccable et on m’a dit : c’est pour toi ; eux ils ont dormi dans un coin entassés. C’était une famille pauvre : on buvait de l’eau fraiche dans une boite de conserve, on mangeait avec la main ; face l’amour qui m’a été porté à ce moment-là, je me suis dit qu’ils avaient reçu le plus grand talent qui puisse exister sur terre : l’amour de l’autre. J’ai été accueilli, j’ai été bien accueilli, j’ai été aimé ; ils savaient que j’étais chrétien. Le soir ils me disaient : retire-toi pour dire tes prières, ils savaient que je priais en chrétien et eux priaient comme musulman et ils priaient vraiment. Vous savez ce sont des moments que l’on ne peut pas oublier. On se dit que vraiment Dieu donne des talents à tout le monde, pas qu’aux chrétiens mais à tout le monde et Il se reflète dans ces talents parce que ces gens qui m’ont accueilli ont été pour moi la présence de Dieu, la présence du Christ. Je pourrais ajouter d’autres exemples et vous pourriez en ajouter aussi. Donc l’important de toute cette histoire c’est vraiment de se dire : « Oui, j’ai reçu un ou des talents et il faut que je le sache, il faut que je les utilise, il faut que je les fasse grandir, il faut que je les offre, il faut que je les donne et que je les donne, pas de ma part, de la part de Dieu »
Amen