Saint Silouane
24/9/23 Fête de St Silouane
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
En de ce dimanche un peu particulier nous fêtons la Résurrection du Christ et en second lieu la fête de notre saint patron, Saint Silouane de l’Athos. Vous avez entendu l’Evangile qui tourne autour des Béatitudes et il me semble que Silouane dans toute sa vie a été en correspondance avec cette annonce du Christ des Béatitudes.
C’était un jeune garçon russe, d’une famille pauvre, chrétienne pratiquante et qui aimait beaucoup Dieu ; lui-même était très pieux ; vous connaissez tous sa vie, je ne vais pas tout raconter bien évidemment mais ce qui est important de comprendre, de saisir et d’accueillir en nous c’est le message de sa vie ; en effet pour ceux qui ont lu le livre où sa vie et ses écrits sont transmis se seront aperçu qu’à chaque page pratiquement St Silouane parle de l’humilité ; c’est pour lui une vertu indispensable à la vie chrétienne ; évidemment elle découle de deux choses : premièrement l’humilité découle de l’amour de Dieu qui par l’Esprit-Saint nous donne cette grâce ; être humble n’est pas facile ; et deuxièmement Silouane a fait l’expérience, comme peut-être nous la faisons tous, de l’orgueil ; il est tombé dans l’orgueil alors qu’il était très jeune, très avancé spirituellement mais malheureusement un des Pères spirituels de la communauté en recevant sa confession lui a dit : oh si tu es aussi haut que cela maintenant qu'est-ce que ce sera plus tard ; et c’était vrai mais le Père spirituel n’aurait jamais dû lui dire cela ; on ne doit pas dire cela à quelqu'un que l’on découvre sur le chemin de la sainteté, on doit l’encourager mais pas le féliciter pour ce qu’il sera plus tard ; et Silouane est tombé dans le gouffre de l’orgueil ; il a cru qu’effectivement – ce qui était vrai – qu’il allait devenir un grand saint ; et aussitôt la grâce de Dieu n’a pas disparu mais elle s’est cachée et il lui a fallu 15 ans, 15 années de prières, de pleurs, de gémissements, de supplication pour retrouver la présence de la grâce de Dieu en lui ; il n’a jamais désespéré ; quelque fois nous désespérons, nous n’arrivons plus à prier, nous n’arrivons plus à vivre en chrétien, nous ne savons plus qui nous sommes même, mais si nous retrouvons un tout petit peu de prière, la prière la plus simple qui soit « Seigneur aie pitié de moi qui suis pécheur », alors le chemin se rouvre, la grâce progressivement réapparaît et c’est ce qui est arrivé à Silouane ; lorsqu'après 15 ans il a voulu vénérer l’icône de son Seigneur dans sa cellule des démons se mettaient entre l’icône et lui et s’il se prosternait il se prosternerait devant les démons, il ne pouvait pas faire ce qu’il souhaitait faire et il a dit au Christ : c’est impossible, Tu es inexorable et à ce moment-là il a entendu cette phrase que nous connaissons tous : « Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas » ; que veut dire cette phrase ? D’abord il faut savoir que c’est une phrase qui est adressée particulièrement à Saint Silouane, elle n’est pas adressée aux autres, elle est adressée à Saint Silouane mais nous pouvons nous en tirer une leçon et adapter cette phrase à notre vie ; pourquoi « tiens ton esprit en enfer » ? Cela veut dire accepte de voir que tu es tombé dans le péché car le péché c’est l’enfer, le péché c’est la coupure d’avec Dieu et lorsque nous sommes coupés de Dieu nous sommes en enfer, nous souffrons mais il y a la deuxième partie de la phrase : « Mais ne désespère pas », c'est-à-dire ne tombe pas encore dans la tentation dans laquelle le démon souhaite te voir tomber : désespérer ; non, ne désespère pas car je suis là à côté de toi et avec toi toute ta vie ; alors pour nous c’est très important cette phrase parce que bien sûr il y a des moments où nous sommes découragés, où nous n’arrivons plus à prier, où nous n’arrivons plus à aimer, nous ne savons plus quoi faire de nous-mêmes, nous ne savons même plus qui nous sommes mais ne désespérons pas, tenons bon, tenons bon le bon combat comme dit St Paul c'est-à-dire restons fidèles au Christ Seigneur qui est miséricordieux car ce que le Christ offre à Silouane c’est son amour et sa miséricorde, Il lui pardonne ses fautes ; Silouane à partir de ce moment-là a retrouvé la prière, a retrouvé la relation profonde qu’il avait avec le Seigneur et il s’est mis à prier pour son salut, sa communauté et pour le monde entier ; il a prié et pleuré pour le monde entier ; cette période n’était pas facile, elle ressemblait un peu à la nôtre : il y avait des guerres un peu partout, notamment en Russie et il a prié pour tous ceux qui souffraient dans le monde de cette situation, il a pleuré et c’est aussi notre rôle à nous ; quand nous entendons tout ce qui se passe dans le monde, en Ukraine, en Russie, en Arménie, dans les pays d’Afrique, en Iran, nous devons prier – je vous le dis souvent à chaque fin de Liturgie, continuons, continuons de prier ; il faut arracher à Dieu la paix. Silouane a passé sa vie dans l’humilité et la prière ; il y a beaucoup d’exemples dans sa vie où l’on voit combien il est humble : il accepte tout ce qu’on lui demande de faire, il avait une charge énorme de travail ; il ne faut pas oublier qu’à cette époque il y avait 900 moines dans le monastère qu’il fallait nourrir ; il fallait préparer le pain et il était chargé du moulin pour préparer la farine, vous imaginez le travail que c’était pour 900 personnes ; il n’a jamais demandé à être dispensé de son obédience et il l’a faite tout en priant et en suppliant Dieu ; un jour, il y avait quelques ouvriers qui travaillaient pour le monastère et un des ouvriers – dont il avait la charge – n’était pas content de lui pour une raison que nous ne connaissons pas et cet ouvrier dit à Silouane : tu n’es qu’un chien et Silouane lui répond : je t’en supplie, appelle-moi chien jusqu’à la fin de ma vie ; voilà l’humilité de notre Silouane et il aurait encore beaucoup d’autres exemples, bien sûr ; à la fin de sa propre vie alors qu’il était gravement malade dans l’infirmerie, St Sophrony son disciple est venu le trouver pour lui dire : « Père vous allez mourir ? » et Silouane a répondu : « Non, je ne peux pas mourir, je n’ai pas assez d’humilité » ; je n’ai pas assez d’humilité et il était très haut dans l’humilité, peut-être un des plus grands après le Seigneur évidemment et il est mort quelques instants après ; voyez-vous cet homme si simple presqu’illettré nous a laissé des traces de ses pensées spirituelles ; quand il en avait une, il l’écrivait sur des petits bouts de papier, des prospectus qui trainaient dans sa cellule, il écrivait une pensée et puis il prenait un autre papier, il écrivait une autre pensée qui lui venait ; il y en avait beaucoup et avant de mourir Silouane a tout donné à St Sophrony en lui disant : c’est pour toi, fais-en ce que tu veux ; nous savons que Sophrony ayant eu une grave maladie est venu se faire soigner en France et à cette période il avait décidé de mettre en forme évidemment toutes ces phrases que Silouane avaient écrites et d’éditer tout cela : sa vie et ses écrits ; c’est un trésor que nous avons là après l’Evangile ; nous avons beaucoup d’exemples qui nous encouragent ; Silouane a des paroles en or après les paroles du Christ ; ouvrons souvent ce livre, même au hasard – si hasard il y a – nous trouverons toujours une parole qui est une parole divine transmise par ce Saint.
J’ai eu la chance, avec quelques-uns d’entre nous, de connaître le fils spirituel de Saint Silouane qui est canonisé maintenant : St Sophrony ; il était exactement dans la même ligne que son père spirituel, très humble, très simple, un petit bonhomme pas très grand qui était toujours heureux de vous voir, qui que vous soyez ; il accueillait tout le monde : orthodoxes, catholiques, protestants, anglicans ou ceux ne croyant à rien du tout, il accueillait, il ouvrait son coeur ; il donnait une parole, éventuellement, il bénissait et il terminait toujours par une petite pointe d’humour ; je me souviens – je vous l’ai peut-être déjà raconté – lorsque j’ai reçu le grand habit monastique, il était mon parrain, il était déjà très âgé, il ne pouvait pas lui-même faire la célébration de tonsure, c’est l’higoumène qui l’a faite mais il était à côté de moi ; avant la cérémonie il est de tradition de se préparer et d’aller dans une pièce à côté de l’Eglise où là on retire les habits monastiques que l’on porte déjà et on se met en tunique blanche, pieds nus, cheveux défaits et c’est seulement comme cela que l’on rentre dans l’église pour être tonsuré du grand habit ; j’étais donc en train de me préparer lorsque St Sophrony est arrivé, j’étais déjà en robe blanche, il m’a regardé, vous savez avec des yeux qui vous pénétraient le coeur, pas du tout méchamment, ils vous pénétraient le coeur avec amour et à ce moment-là il m’a dit quelque chose : « A partir d’aujourd'hui pour toi ce sera la croix, la croix, la croix » ; ce fut pour moi une parole difficile à entendre, c’est quand même un programme pas très joyeux et j’ai dû exprimer sur mon visage une certaine peur, une certaine crainte, alors il m’a dit : « Pourquoi tu as peur ? Regarde, notre Dieu est un peu fou, regarde ce qu’il a fait avec moi » et il a éclaté de rire et nous sommes entrés dans l’église en pleurant de rire ; les frères et les sœurs se demandaient ce qui se passait – on ne rentre pas dans l’église en riant et en pleurant en principe ; il n’a pas pu s’empêcher d’avoir cette finale après cette phrase terrible, d’avoir une pointe d’humour, de s’humilier lui-même devant moi ; je l’ai rencontré le lendemain dans le jardin et il a rajouté encore quelque chose mais là j’avais déjà entendu la première partie, c’était un peu plus préparé et il m’a dit : « Et sache que cela ne se fait que dans le sang et dans les larmes », la fondation d’un monastère, cela ne se fait que dans les larmes et le programme était vraiment complet, la croix, la croix, la croix, les larmes, le sang, c'est-à-dire donne ta vie ; si St Sophrony m’a donné ces paroles, c’est parce que Silouane lui en avait donné des semblables ; on n’a pas de détails de la rencontre entre les deux mais on l’imagine facilement parce que Silouane ne pouvait pas dire autre chose que ce qu’il vivait lui-même ; il vivait dans la prière, il vivait dans les larmes, il vivait dans le sang, il donnait sa vie pour tout le monastère et pour le monde entier et il est curieux de noter qu’aujourd'hui dans le monde entier les écrits et la vie de Saint Silouane sont connus dans tous les pays du monde même en Chine ; les chinois lisent les écrits et la vie de Saint Silouane, il est connu dans le monde entier ; il est vénéré dans le monde entier par toutes sortes de personnes alors qu’il était si petit apparemment, si humble ; il ne voulait pas de gloire, pour quoi faire ? Que faire avec la gloire ? A quoi ca sert ? A rien, la sainteté, oui, la gloire, non ; il n’y a que le Christ et la Sainte Trinité qui sont glorieux avec la Mère de Dieu. Pour nous qui sommes sur cette terre et qui avons beaucoup de difficultés à lutter constamment contre notre orgueil qui est enraciné en nous – cela fait partie de la nature déchue et puis aussi de notre propre défaillance et pourtant il faut qu’à chaque fois que nous avons une poussée d’orgueil nous nous souvenions de cette phrase : « Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas » ; c’est valable pour nous mais je vous l’ai dit souvent qu’en tant que chrétiens nous avons la responsabilité de prier pour le monde entier et de dire au Seigneur « Permets à tous les hommes de la terre, à tous de vivre dans l’humilité, dans l’amour, alors la paix viendra dans le monde ». Encore une petite phrase très consolante ; il écrit, à un moment, « Ah si tous les hommes de la terre – il y avait la guerre partout – si tous les hommes de la terre savaient que leurs propres péchés est comme une goutte d’eau dans l’océan de la miséricorde de Dieu ; nos péchés sont comme une goutte d’eau dans l’océan de la miséricorde de Dieu ; croyons fortement à cette phrase parce que quelque fois le démon non seulement nous fait chuter mais en rajoute en nous faisant désespérer ; non, nous sommes une goutte, une petite goutte dans l’océan de la miséricorde de Dieu. Saint Silouane est véritablement un Saint de la miséricorde, il témoigne de la miséricorde de Dieu, il vit de la miséricorde de Dieu, il nous enseigne la miséricorde de Dieu. Que Dieu maintenant nous offre la grâce, par son intercession, de vivre de la miséricorde de Dieu.
Amen