Conférence du Père Archimandrite Syméon, higoumène du Monastère Saint Silouane à l’UNESCO - le 24/05/2001
à l’UNESCO - le 24/05/2001
A la demande de nos évêques, j’ai accepté de vous parler du vécu de la Tradition et de la spiritualité orthodoxes. Je vais m’efforcer de dresser devant vous le tableau de la situation actuelle : comment nous avons reçu cette Tradition de nos Pères, qu’est-ce que nous en avons fait et comment nous vivons de cette Tradition dans l’expression de la spiritualité orthodoxe sur ce pays.
Dans un premier temps je pense qu’il est nécessaire d’essayer de définir peut-être ce qu’est la Tradition. Dans nos Eglises, qu’elles soient d’origine grecque, russe, serbe, roumaine, bulgare, antiochienne, française, nous recevons de nos Pères ce que l’on appelle la Tradition et qui est en fait le fruit de l’expérience de ceux qui nous ont précédé, le fruit de l’expérience vécue en Dieu, le fruit d’une expérience en Eglise et ce fruit-là nous le recevons par des paroles, par des écrits qui demeurent, qui nous sont transmis et nous font vivre. Nous en vivons peut-être d’une manière dynamique - et c’est ce qui conviendrait le mieux - et non pas d’une manière statique au sens où nous contemplerions un beau trésor qui ne nous servirait à rien. Il est nécessaire que la Tradition soit dynamique, c’est-à-dire qu’elle soit dans la mouvance de l’Esprit Saint. L’expérience des premiers apôtres était dans cette mouvance. Ils ont transmis aux premiers chrétiens, à leur entourage puis aux autres générations, toute leur expérience, tout ce qu’ils ont reçu du Christ, tout ce que le Christ a vécu avec eux , tout -ce qu’Il leur a donné d’essentiel, de vital, pour chacun. Eux-mêmes ont vécu de cette Tradition, de cette expérience du Christ reçue et ils l’ont transmise aux fidèles qui les entouraient et qui, à leur tour, ont retransmis à d’autres cette Tradition vivante. Nous sommes dans cette chaîne et, nous aussi, nous transmettons cette Tradition.
Nous parlerons des différents modes de transmission de la Tradition. Recevant celle-ci nous en vivons et cette vie de la Tradition est, en fait, le réel vécu de la spiritualité orthodoxe. Autrement dit, il y a dans l’exercice de la vie spirituelle orthodoxe la nécessité de recevoir le trésor que nous ont légué nos Pères au travers de leur propre expérience.
Il y a interaction, bien sûr, entre Tradition et Spiritualité : nous ne pouvons pas vivre la spiritualité chrétienne orthodoxe sans recevoir cette Tradition et cette Tradition est morte si elle ne s’exerce pas dans la spiritualité. Voila donc deux données qui sont très proches l’une de l’autre et dont nous aurons l’occasion de reparler pendant ce temps de rencontre.
Comment se transmet et se reçoit la Tradition de nos Pères aujourd’hui ? Il y a, vous vous en doutez, beaucoup de modes de transmission, selon l’expérience de chacun, selon la vocation de chaque personne. Et tous, qui que nous soyons, nous avons un cheminement différent, les uns enrichissant les autres au travers de leurs expériences. Il est difficile de mettre au clair un schéma précis - il n’y en a pas, je crois - parce que l’Esprit souffle où Il veut et quand Il veut mais nous p€ oyons dégager certaines lignes qui nous permettront de mieux comprendre comment cette transmission se réalise.
Je dirai, dans un premier temps, que nos Pères nous ont transmis leur expérience au travers d’écrits que nous recevons, d’écrits très anciens pour certains, depuis les Évangiles, les Actes des Apôtres, les Épîtres; au travers des écrits des Pères comme ceux de Saint Grégoire, de Saint Basile, de Saint Jean Chrysostome et de bien d’autres, notamment, plus récemment, comme Saint Théophane le reclus, Saint Jean de Cronstadt, Saint Silouane. Ces ouvrages spirituels nous sont transmis, traduits, remis. Nous les lisons, nous les méditons et nous les faisons nôtres, nous nous enrichissons à chaque page de cette expérience. Nous recevons ce témoignage comme quelque chose qui nous stimule, comme une consolation aussi, comme une Parole qui vient de l’Esprit et qui est véritablement mue par l’Esprit. A partir de là nous pouvons réfléchir, nous pouvons dialoguer, nous pouvons avancer, chacun personnellement, selon notre propre vocation et en Église, avec ceux qui nous entourent. Il y a des œuvres à caractère plus spirituel, des méditations sur des textes évangéliques et bibliques. Il y a des ouvrages à caractère plus théologique qui sont des réflexions qui nous donnent de mieux appréhender le Mystère Divin et de rentrer dans cette communion divine qui permet à l’homme de se transfigurer et d’être en lien avec le Seigneur, avec une plus grande force et une plus grande intensité.
Il y a un autre domaine - peut-être encore aussi important - qui permet de recevoir la Tradition et d’en vivre, c’est ce que j’appellerai la Liturgie au sens large, c’est-à-dire à la fois la Divine Liturgie Eucharistique et puis tout ce qui entoure la Liturgie : les Matines, les Vêpres et les Heures, les hymnes acathistes, le Canon de Saint André de Crète, la Paraclysis, etc. Au travers de cette expression liturgique, nous recevons la prière de nos Pères, cette prière expérimentée dans le cœur et dans l’être, transmise au-delà de tout ce qui est pensable. Nos Pères ont vécu cette quête de Dieu et nous en ont donné le fruit dans des textes superbes que nous aimons tant méditer et prier. Je crois qu’aucun d’entre nous n’est insensible à la Liturgie de Saint Basile que nous célébrons plus particulièrement pendant le carême et qui est une extraordinaire composition théologique, liturgique, ecclésiale qui nous permet de nous situer par rapport à Dieu et par rapport à l’homme et qui nous donne une énergie spirituelle profonde pour avancer vers le Seigneur et avec nos frères.
Cette prière liturgique est évolutive dans le temps. Nous savons que les Divines Liturgies que nous pratiquons n’ont pas été fixées dès les premiers temps. Elles ont évolué et puis elles se sont posées et, à un certain moment, nous les avons reçues comme étant véritablement l’acte, le témoignage oral, rituel de la prière de nos Pères que nous avons fait nôtre.
Il est intéressant de souligner qu’aujourd’hui il y a dans nos diverses obédiences orthodoxes à la fois une manière de célébrer la Liturgie dans la langue originelle de ceux qui sont venus sur cette terre de France et nous avons des Liturgies en langues slavonne, grecque, bulgare, arabe, roumaine, etc. Mais il faut rendre grâce à Dieu pour l’action de certains pionniers - et je pense particulièrement là à Wladimir Lossky, au Père Michel Bielsky, au Père Lev Gillet, mais aussi à d’autres - qui ont su, par leur esprit d’ouverture, nous donner la possibilité de célébrer la Liturgie dans la langue du lieu, à savoir le français, et qui ont donné naissance à des paroisses francophones qui vivent cette Liturgie avec une grande fidélité et une grande force reçues de leurs Pères.
Il est nécessaire ici de rappeler qu’en 1925, une poignée de jeunes Russes -étudiants à Saint Serge - créaient la confrérie Saint Photius dans le but, je cite : « de faire resurgir, en occident, la Tradition de l’Eglise indivise à partir de sources locales latentes, toujours vivantes, enfouies depuis le schisme sous les malentendus historiques ».
Le but de cette confrérie n’était pas d’inventer quelques nouveaux rites mais, tout en conservant le trésor de la Tradition reçue par les différentes Eglises-mères, de retrouver aussi la Tradition orthodoxe occidentale vécue en France par nos Pères bien avant le schisme.
Il y a plus de 70 ans, la confrérie Saint Photius, proposant des bases canoniques, dogmatiques et liturgiques fidèles à la Tradition orthodoxe, donnait la possibilité de voir émerger une Eglise locale autonome. L’histoire en décida autrement mais ce qui a été semé à l’époque pourrait aujourd’hui faire partie des bases de données pour notre réflexion ecclésiale - évitant toute forme de nationalisme, de philétisme, qui restent toujours une tentation bien présente - et permettant l’édification d’une Eglise qui fonctionnerait selon les canons mis en place par nos Pères, enrichie des diverses traditions locales, y compris celle d’occident revivifiée pour les besoins de notre époque actuelle.
La musique liturgique fait partie intégrante de la transmission de la Foi. Son expression a beaucoup évolué dans le temps et aujourd’hui encore nous avons d’excellents chantres et maîtres de chœur qui, dans un rôle quasi sacerdotal, nous offrent la possibilité d’élever nos âmes vers Dieu au cours de la prière commune. La création de la musique liturgique se poursuit de nos jours et témoigne à la fois d’un grand respect de la Tradition et d’une attention aux besoins de notre époque. Les communautés monastiques et paroissiales nous donnent un éventail intéressant de l’expression musicale liturgique aujourd’hui.
Notons aussi un troisième élément intéressant dans la transmission de cette Tradition, c’est ;’icône. La peinture d’icônes n’est pas, nous le savons bien, une simple expression esthétique pieuse. Cela est beaucoup plus grand. L’icône est, comme le disait Paul Evdokimov, une fenêtre sur l’Éternité, une ouverture sur la relation à Dieu, avec la Mère de Dieu, avec les Saints. Elle est un avant-goût d’éternité. L’icône, est aussi une véritable catéchèse, un enseignement, non pas un des aspects de l’enseignement orthodoxe mais l’expression de l’orthodoxie dans son ensemble. « L’icône, image sacrée, est une des manifestations de la Tradition de l’Eglise au même titre que la Tradition écrite et la Tradition orale » nous dit Leonide Ouspensky. Elle propose à ceux qui la regardent de contempler le mystère de Dieu dans les diverses manifestations de son amour et, plus particulièrement, au travers de l’Incarnation du Christ, de contempler le mystère de la beauté des Saints et de la Mère de Dieu. Elle est catéchèse, elle est aussi Présence. Le Seigneur est présent au travers de son Icône, Il s’y manifeste, Il se donne à nous. La Mère de Dieu est là, les Saints nous sont proches, ils intercèdent pour nous à notre demande. Et lorsque nous vénérons les icônes, nous savons que nous ne vénérons pas, bien sûr, un morceau de bois peint mais nous vénérons Celui ou Celle qui est représenté, leur demandant d’intercéder pour nous, ou rendant grâce pour les biens reçus. Nous sommes là dans la véritable efficacité du signe qui crée un lien fort, profond, important qui nous unit au monde de l’Eternité.
Il faut être reconnaissant à Dieu de nous avoir donné de grands iconographes comme Leonide Ouspensky, ou le moine Grégoire mais aussi pour ce mouvement iconographique qui se développe, s’amplifie, donnant naissance à plusieurs ateliers, à de nombreux iconographes qui nous transmettent l’expérience de la Beauté de Dieu que nos Pères ont su exprimer dans une telle variété d’expression.
Il faut aussi que nos iconographes actuels, surtout ceux qui se forment, comprennent qu’ils ne nous transmettent pas un art selon le monde mais selon Dieu, ce qui signifie une réelle expérience de l’Amour Divin, vécu dans la prière, dans les larmes, et transmis dans l’humilité, vertu indispensable à acquérir pour tout chrétien mais encore plus pour ceux qui sont désignés pour remplir une mission particulière dans l’Eglise.
Je voudrais revenir un temps sur l’aspect liturgique de la transmission de la Tradition. Nous avons vu que la Divine Liturgie était véritablement une prière, exprimée par nos Pères, reçue et revécue à leur suite avec beaucoup d’amour et beaucoup de joie intérieure. Il faut parler aussi des divers sacrements qui font partie de notre Tradition et sont la base de notre vie spirituelle. Ils ont été institués par le Christ, organisés par l’Eglise, et voilà que nous recevons Dieu à chaque fois qu’un sacrement est donné. Que ce soit dans le baptême, lieu initiatique par excellence où, plongés dans l’eau purificatrice, nous rejetons le vieil homme pour nous revêtir de l’Homme nouveau qu’est le Christ; que ce soit dans la communion au Corps et au Sang du Christ où nous nous unissons à notre Dieu, où le Sang de Dieu coule dans nos veines, où le Corps de Dieu s’unit à notre corps; que ce soit dans le sacrement de la Pénitence où, nous déposant devant Dieu au travers de notre faiblesse, nous recevons en échange l’extraordinaire baume de la miséricorde du Seigneur qui vient panser nos plaies et guérir nos maladies, nous permettant ainsi d’être debout dans la lumière divine. Et puis tous les autres sacrements que nous connaissons, qui sont des lieux de la rencontre.
Soulignons maintenant l’importance non négligeable de l’enseignement, dans la Tradition vécue depuis les apôtres. Dans l’Eglise, il y a plusieurs manières d’enseigner les fidèles, de nourrir le peuple royal. Tout d’abord, il faut reconnaître que la catéchèse des enfants est très importante et rendre grâce à Dieu de son existence dans toutes les Paroisses et, plus directement, dans leur propre famille -cellule ecclésiale privilégiée. Nos enfants, comme nous-mêmes, sont des chercheurs de Dieu. Il ont été baptisés, communiés, chrismes, ils doivent être enseignés afin de mieux connaître la grandeur de l’amour du Christ. Dans la catéchèse nous leur donnons ce qui est nécessaire à leur nourriture, pour qu’ils puissent méditer, comprendre, insérer dans leur vie le message du Seigneur qui vient vers eux et qui leur dit qu’ils sont aimés. Cet enseignement est donné par des prêtres, des diacres, des fidèles et cette communion d’enseignement est vitale pour le devenir de l’Eglise. Elle est une belle chose par rapport à la transmission de la Tradition.
Toujours à propos de l’enseignement, nous constatons avec joie l’existence croissante de groupes de réflexion pour les adultes. Il y dans toutes les Paroisses la possibilité de se réunir autour de quelqu’un qui peut transmettre un message spirituel : conférencier épisodique, prêtre qui gère le groupe, l’un ou l’autre fidèle qui prend la parole. Tout cela est nourriture, tout cela est réception de la Tradition parce que rien ne se dit sans la référence à nos Pères qui ont vécu la relation à Dieu, qui L’ont cherché dans une quête très forte, intense, voire douloureuse à certains moments et qui nous ont transmis leur expérience. Il est bon de dire que souvent ce sont les fidèles eux-mêmes qui, avec la bénédiction de leur évêque et de leurs prêtres, organisent ces rencontres fructueuses.
Des conférences spirituelles se trouvent être à la disposition de tous dans les différents diocèses et souvent d’ailleurs ouvertes absolument à tous ceux, orthodoxes ou non, qui cherchent Dieu. Nous avons maintenant des séries de conférences spirituelles qui nous sont présentées depuis déjà plusieurs années par plusieurs conférenciers ou Pères spirituels et il est intéressant de constater que cela correspond à une demande réelle de ceux - jeunes et moins jeunes - qui composent le peuple de Dieu.
En complément de ce qui vient d’être dit, ne négligeons pas l’importance de l’enseignement homilétique qui doit être dispensé par nos évêques, nos prêtres, voire nos diacres ou nos laïques compétents. Ceux qui sont chargés de cet enseignement doivent le faire avec amour, dans la mouvance de l’Esprit et dans un réel désir de voir grandir ceux et celles qui leur sont confiés en leur dispensant ce que l’Esprit souffle à leur cœur.
Ceux qui reçoivent cet enseignement ne doivent pas considérer ce moment comme une pause, ou un entracte mais comme un temps de rencontre, un moment privilégié où Dieu, bien au-delà du talent de l’orateur aura quelque chose à leur transmettre.
Je dirais que dans la vie paroissiale s’exerce aussi la vie de charité. Avant l’Office ou après l’Office - quelquefois pendant, mais ceci n’est pas à conseiller -nous nous rencontrons, nous nous donnons des nouvelles, nous nous inquiétons de la santé, de l’évolution de l’un ou de l’autre, des difficultés, des joies ou des peines. Nous nous réconfortons. Tout cela est transmission de l’amour. Parce que la transmission de la Tradition est avant tout transmission de l’Amour Divin qui est donné à chaque homme et que chaque homme et chaque femme retransmet à celui ou à celle qui l’entoure.
L’une des spécialités de l’Orthodoxie est d’avoir conservé comme Tradition vivante l’exercice de la Paternité spirituelle. La place du père spirituel y est non seulement légitime mais considérée comme tout à fait indispensable.
C’est une grande bénédiction pour l’Eglise orthodoxe d’avoir su garder cet équilibre entre une vie ecclésiale nécessaire et nourrissante et ce mouvement des pères et des mères spirituels qui, en transcendant l’institution de l’intérieur, permet à l’Eglise de devenir un ensemble de personnes appartenant à Dieu, vivant de Dieu et constituant chacune un reflet particulier de Dieu.
Souvent les pères spirituels s’inscrivent dans une filiation et c’est en cela qu’ils transmettent la Tradition. En devenant icône de la compassion du Christ, ils permettent à ceux qui viennent vers eux d’avoir le cœur apaisé et, ce faisant, de repartir sur le chemin du repentir, le seul, en définitive, qui mène à Dieu. Nous sommes là, vous le voyez, en pleine praxis, en plein exercice, de la vie spirituelle transmise par celui ou celle que Dieu a mis sur notre chemin pour nous soutenir.
Nous devons rendre grâce à Dieu d’avoir encore aujourd’hui des pères et mères spirituels qui nous engendrent à la vie en Dieu; par grâce et détermination divine, ceux qui ont été choisis pour aider autrui vont le consoler ou mettre sous ses yeux un miroir où il puisse se voir tel qu’il est, nu devant Dieu.
Cette longue chaîne de pères et mères spirituels s’inscrit bien dans ce mouvement de transmission de la vie spirituelle au travers de la Tradition de l’Eglise.
Il y une vingtaine d’années s’établissait d’une manière organisée la fréquentation de pèlerinages interjuridictionnels, sur cette terre de France : notamment sur le tombeau de Saint Martin ce qui a permis à de nombreux orthodoxes de se retrouver sur les reliques d’un Saint qui a marqué la terre de France et bien au-delà de cette terre, un grand Saint qui a donné un essor monastique conséquent et nous sommes reconnaissants à Dieu de nous l’avoir fait connaître. A partir de ce pèlerinage, beaucoup d’autres se sont organisés et, tous les ans, il y a cette découverte progressive des Saints locaux qui, par leur exemple, leurs épreuves et leur amour de Dieu, nous sont une référence.
Bien avant l’organisation de ces pèlerinages, il faut noter qu’une de nos paroisses parisiennes, celle de « Notre-Dame, Joie-des-Affligés et Sainte Geneviève » a été fondée autour du tombeau de Sainte Geneviève reconnue, à juste titre, par les fondateurs de cette communauté comme une Sainte de l’Eglise indivise pouvant donner beaucoup à cette paroisse naissante. Le pèlerinage sur le tombeau de Sainte Geneviève offert à la vénération des orthodoxes est certainement l’un des plus anciens du genre dans le sein de l’orthodoxie française.
Beaucoup d’orthodoxes venus de l’émigration se réfèrent, à juste titre, aux Saints de leur terre : Saint Serge de Radonège, Saint Seraphim de Sarov, Saint Jean de Cronstadt, Saint Nectaire d’Egine, Saint Ephrem, le Nouvel Apparu, Sainte Parascève de Moldavie et encore beaucoup d’autres Saints de ces lieux qui ont nourri la vie spirituelle et qui ont nourri la Tradition de la vie orthodoxe dans ces pays. Mais je voudrais dire aussi que nous avons sur cette terre de France des Saints qui ont été des Saints orthodoxes avant le schisme de 1054, qui ont contribué énormément à la vie spirituelle de l’Eglise. J’ai évoqué précédemment Saint Martin de Tours, cet évêque qui, avant tout, était un vrai moine et qui a donné de lui-même tout ce qu’il pouvait pour que le monachisme en France et la vie spirituelle dans les paroisses, les communautés, les diocèses, vivent et témoignent de l’amour de Dieu. Nous sommes en pleine orthodoxie avec Saint Martin, nous sommes en pleine orthodoxie avec Saint Irénée de Lyon qui est un véritable pont entre l’Orient et l’Occident, qui a combattu les hérésies, qui a laissé des textes superbes qui nous permettent de réfléchir sur ce qu’est l’Eglise. Saint Jean Cassien à Marseille a donné aussi un élan monastique extrêmement important. Nous le savons il est un transmetteur de la Tradition orientale qu’il apporte en France et qu’il fait vivre autour de lui. Saint Geneviève de Paris qui, en communication avec Saint Syméon le stylite, donne une coloration à la vie spirituelle du pays et qui, jusqu’à nos jours, témoigne d’une transmission de la grâce de ce que Dieu veut nous donner, vers quoi Dieu veut nous entraîner. Saint Germain d’Auxerre, Saint Germain de Paris, Saint Denis de Paris, Saint Hilaire de Poitiers, Sainte Radegonde, Sainte Clothilde et encore bien d’autres. Il y en a des multitudes, je ne peux pas vous lire la liste parce que elle serait trop conséquente mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que tous ces Saints sont des Saints orthodoxes, qu’à l’époque où ils vivaient la terre de France était orthodoxe et nous pouvons considérer légitimement que la Foi orthodoxe n’est pas nouvelle venue en France. Elle est née bien avant nous et nous devons en recevoir la Tradition, au même titre que celle que nous recevons de l’orient, du nord et du midi. C’est un -travail qui est extrêmement important qui a démarré depuis quelques dizaines d’années et que nous devons prolonger, poursuivre, pour mieux vivre encore du témoignage de tous ces Saints qui nous ont apporté énormément sur le plan spirituel, qui nous ont permis de vivre la spiritualité, orthodoxe en France avant que ce malheureux schisme de 1054, dû à l’orgueil de l’homme, vienne provisoirement atteindre l’œuvre de Dieu.
Parlons maintenant de ta vie monastique dans notre Église. Depuis nos premiers Pères, les moines ont joué un rôle important dans la transmission de la Tradition et l’expérience de la vie spirituelle. Il y avait jusqu’à présent trois monastères qui préexistaient, à savoir le monastère de Notre-Dame de Toute Protection à Bussy-en-Othe, avec Mère Olga qui en est l’abbesse actuellement et puis le monastère de Lesna qui est de l’obédience russe hors frontières, et le monastère de La Dalmerie dont l’Archimandrite Benoît en est le fondateur et protohigoumène. Depuis une vingtaine d’années, on a pu assister à la création de près d’une vingtaine de lieux monastiques. Ceci me semble intéressant à souligner parce que la vie ecclésiale orthodoxe est très liée à la vie monastique. Dans les pays que nous connaissons, de Russie et de Grèce, de Roumanie, du Patriarcat d’Antioche, de Bulgarie, de Serbie, etc., nous savons que la vie monastique est liée à la vie du diocèse et qu’il y a un lien très fort entre monastères et paroisses. Là, les fidèles peuvent se retrouver dans la prière, recevant ainsi l’expérience de ceux qui vivent dans ces lieux et qu’ils ont reçue eux-mêmes de leurs pères. Voici donc en France une nouvelle forme de transmission de la Tradition et une nouvelle forme, je dirais, d’exercice de la vie spirituelle orthodoxe. Le lieu monastique n’est pas négligeable pour le devenir de notre Eglise. Si nous sommes ici aujourd’hui c’est parce que, à l’initiative de nos Evêques, nous essayons d’avancer vers ce qui est l’idéal fonctionnel de notre vie chrétienne orthodoxe, à savoir une ecclésiologie bien en place, avec des diocèses géographiques, une ecclésiologie qui correspond à celle de nos Pères. Et nous savons qu’actuellement, ce que nous vivons n’est pas en harmonie avec ce que nous proclamons.
Il me semble que les monastères ont, dans l’humilité, un rôle extrêmement important à jouer aujourd’hui pour le grandissement de l’Eglise locale en France. Je ne fais d’ailleurs que reprendre ici une idée du Métropolite Jérémie, émise lors d’une rencontre d’higoumènes qu’il présidait, au monastère Notre Dame de la Faurie en 1991. Les lieux monastiques sont des terrains neutres, des terrains où l’essentiel est de chercher Dieu. La juridiction à laquelle nous appartenons est toujours importante mais elle n’est pas première. Ce qui est premier c’est la quête de Dieu. Et l’important n’est pas d’être orthodoxe ou d’être de tel ou tel Patriarcat, l’important est de chercher Dieu de toutes nos forces et de toutes nos énergies. J’ai la conviction profonde personnellement que c’est dans l’esprit orthodoxe, dans cette Tradition reçue et vécue dans la spiritualité, que c’est là que je trouve Dieu et personne ne me fera une démonstration contraire, je suis certain de cela. Mais, au demeurant, l’essentiel, pour les moines comme pour les fidèles, n’en demeure pas moins la quête de Dieu.
Chacun de nos visiteurs expérimente ce que nous vivons,’ rencontrant dans nos hôtelleries, des personnes, des fidèles qui appartiennent à d’autres Églises. Dans tous les monastères, nous recevons des gens qui viennent de toutes les éparchies. Tout le monde se retrouve dans un climat de paix, de prière et dans une quête de l’essentiel. Nous devons être, humblement, comme le moule qui aide l’Eglise à se former. Nous devons, par notre accueil, par notre amour, par notre humilité, notre simplicité, témoigner de ce que nous sommes, unis autour du Christ. Ce que je viens d’évoquer ne veut pas dire que les autres entités ecclésiales n’ont pas à œuvrer mais nous nous avons probablement un rôle privilégié à jouer et dont nous devons nous sentir responsables. Les higoumènes des monastères, les pères et mères spirituels doivent être attentifs à cela, à aider nos Evêques, nos prêtres et nos fidèles à vivre en communion plénière selon les règles préétablies par nos Pères. Véritablement la vie monastique en France est plutôt le signe, dans son évolution, d’une bonne santé de l’Eglise orthodoxe. Je ne pense pas que l’on puisse vivre sans monastères dans une Eglise qui a vécu une Tradition forte, une spiritualité expérimentée.
Lorsque nous parlons de la transmission de la Tradition orthodoxe et de l’exercice de sa vie spirituelle, il n’est pas possible d’oublier le rôle conséquent que jouent les différents Instituts de Théologie orthodoxe et, particulièrement en France, de notre Institut de Théologie Saint Serge. Il y a quelques temps, cet Institut a fêté ses 70 ans d’existence, 70 ans qui furent d’une grande richesse. Je ne vais pas faire l’apologie des différents Théologiens qui se sont succédés dans ce lieu, tout le monde les connaît, nous avons lu leurs écrits, nous avons été témoins de leur enseignement et de leur sagesse et nous devons rendre grâce à Dieu pour ces hommes et ces femmes qui ont enseigné et enseignent dans cet Institut. Nous devons encourager ce travail qui se fait déjà depuis plus de 70 ans, pour qu’il se poursuive avec la qualité qui lui revient, qui nous est chère, d’un enseignement profond, d’un enseignement qui est bien basé sur tout ce que nous ont livré nos Pères, qui s’enrichit d’une réflexion moderne, ouverte. Les différents professeurs qui exercent dans cet Institut nous apportent un grand souffle qui vient de l’Esprit et que nous ne pouvons nier, que nous devons accueillir avec joie et encourager. Il faut que nous aidions cet Institut à grandir par nos demandes, par notre soutien, par notre prière. Il faut que véritablement ceux et celles qui viennent s’éduquer, qui viennent recevoir toute cette Tradition si riche puissent, non seulement pour eux-mêmes mais pour l’Eglise, recevoir ce trésor et le proposer à tous ceux qui les suivront. Beaucoup de Chrétiens, de fidèles, de prêtres, de diacres qui ne peuvent pas suivre des cours intensifs sur le lieu pour des raisons personnelles, professionnelles, sociales, sont inscrits aux cours par correspondance et peuvent ainsi passer des examens, avancer dans la découverte de Dieu et, à leur rythme, selon leurs possibilités, recevoir toute cette immense transmission du savoir de nos Pères et le faire véritablement leur. Ainsi, au travers de ces deux modes de fonctionnement, ceux qui étudient sur place quotidiennement, et ceux qui sont étudiants par correspondance, l’Institut va continuer de donner la possibilité à ceux et celles qui cherchent à s’enrichir le cœur et l’âme d’être les éléments transmetteurs de la Tradition et de la spiritualité orthodoxes aujourd’hui.
Nous devons rendre grâce pour tout ce que l’Eglise orthodoxe en France a réalisé. Oh, ne soyons’ pas triomphalistes - cela ne sert à rien, ce serait de la vanité qui n’apporterait rien par rapport à la relation avec Dieu - mais soyons heureux de constater que notre Eglise vit, elle est bien vivante, elle est bien dynamique, elle suscite des chrétiens, des diacres, des prêtres, des évêques, des Théologiens, des Paroisses, des monastères comme j’ai voulu le souligner, ceci est signe de vie, ceci est signe de joie et nous ne pouvons que nous en réjouir et dire au Seigneur combien nous Lui sommes reconnaissants.
Et l’avenir ? Le devenir de tout cela, un avenir qui n’est jamais confortable parce qu’on ne sait pas comment le gérer. Souvent on s’interroge, on a quelques idées mais on a du mal à voir dans quel sens il faut avancer. Mes amis, il y a beaucoup de choses à faire, beaucoup. Parce que le monde se déchristianise, parce que le monde se centre sur lui-même : l’orgueil et l’égoïsme qui sont les deux piliers de l’erreur de l’homme sont bien là, toujours là, et nous avons à œuvrer, nous avons à nous unir, nous avons à communier, ensemble, parce que l’Eglise est communion avant tout. Nous devons communier autour du Christ tous ensemble et chercher à œuvrer chacun à notre niveau, aucun niveau n’est petit, aucun. Tous, Evêques, prêtres, diacres, fidèles, femmes, hommes, enfants, tous nous devons œuvrer pour le grandissement de l’Eglise. Non pas dans une vision qui serait cléricale mais tout simplement parce que le Christ est là au milieu de nous et qu’Il nous dit : « Continuez, continuez l’œuvre que J’ai commencée au milieu de vous, avec mes apôtres et mes disciples, poursuivez l’œuvre. Aimez-vous les uns et les autres. Aimez-vous vous qui connaissez déjà l’unité entre vous. Aimez-vous vous qui ne la connaissez pas encore, aimez-vous vous qui êtes différents et qui cherchez le Seigneur. Soyez témoins de mon amour ». Ce que le Seigneur nous demande fortement c’est de prendre conscience de notre rôle, encore une fois chacun à notre niveau. Il y a beaucoup de choses à faire encore dans l’Eglise. Nous devons être heureux de voir que des Paroisses nouvelles se créent. Nous devons, au contraire, encourager toute nouvelle communauté, l’aider de toutes nos forces pour que grandisse la foi dans le Seigneur. Nous devons nous réjouir lorsque d’autres lieux monastiques se créent. Plus nous serons nombreux, autant dans les Paroisses que dans les monastères, plus nous saurons chercher avec force ce que Dieu veut nous donner, ce que Dieu veut que nous redistribuions à tous ceux qui nous entourent. On n’a jamais parlé autant, depuis quelques dizaines d’années, de sectes, de mouvements qui n’ont rien à voir avec Dieu, qui bafouent l’homme, qui le réduisent au rang d’esclave. Et nous, chrétiens, chrétiens orthodoxes, que faisons-nous pendant ce temps ? Que faisons-nous ? Ne devons-nous pas nous réveiller, avoir une conscience vive de notre activité pastorale ? Ce n’est pas uniquement le travail des prêtres et des évêques, c’est le travail de tous, en union, en communion. Pour cela il y certainement beaucoup de choses à faire, dans l’amour, dans la vérité, avec la grâce de Dieu qui nous viendra par la prière. Il nous faut susciter des vocations. Et là je m’adresse aux évêques, aux prêtres, aux responsables de paroisses, aux recteurs, aux fidèles. Faites attention, mes amis, nous avons besoin d’un clergé vif, dynamique. Nous avons besoin de prêtres et de diacres et de moines. Nous avons besoin de responsables laïques, de maîtres de chœur, d’iconographes, de catéchètes. Nous avons besoin aussi de ceux qui humblement aident au service de l’Eglise sans être connus, dans des tâches secondaires, en apparence, mais qui, aux yeux de Dieu, sont aussi grandes que les plus grandes.
Notre travail aujourd’hui est de prier d’abord, de supplier Dieu, de nous aider à discerner la place de chacun. Il nous faut trouver des prêtres, de jeunes prêtres, des êtres qui ont le désir de Dieu, le désir de l’amour de l’Eglise. Bannissons, bien sûr, tout ce qui a un caractère de pouvoir, tout ce qui relève du carriérisme, qui est nuisible à l’Eglise et qui est un péché gravissime. Mais si on nous propose de devenir prêtre, diacre, sous-diacre, lecteur, chantre, iconographe, catéchète et autres, sachons répondre oui avec générosité. La générosité de l’homme, aujourd’hui, n’est pas sa qualité première. L’ego l’emporte, personne ne veut s’engager. C’est le drame de notre société. On ne veut pas s’engager dans le mariage, on ne veut pas s’engager dans le sacerdoce, on ne veut pas s’engager dans le monachisme, on ne veut pas S’engager dans l’épiscopat ou dans la prêtrise, dans le diaconat. On a peur. Et la peur vient du diable, elle ne vient pas de Dieu. La peur doit être bannie. Si nous avons peur, mettons-nous en face du Seigneur et prions-Le intensément : « Seigneur, si Tu veux, si Tu veux, donne-moi la force de perdre ma vie aux yeux du monde ». Soyons généreux, ayons des cœurs ouverts. Malgré les douleurs, malgré les souffrances qui accompagnent chaque engagement le Christ est là et Il nous dit : « Ne craignez rien. Je suis au milieu de vous jusqu’à la fin des temps ».
Alors j’aimerais, pour conclure, dire à chacun d’entre vous qui êtes ici présents et me le dire à moi aussi, que nous devons avoir grande confiance dans le Seigneur qui nous aime, qui veut que nous vivions, que nous grandissions, que nous soyons en communion les uns avec les autres. Que peu à peu l’Eglise locale émerge, qu’elle ne reste pas dans cet état de stagnation nuisible Il nous faut oser collaborer avec le Saint Esprit pour la construire. Soyons attentifs à cela, encourageons-nous les uns, les autres, entraînons-nous les uns les autres. Je pense à nos évêques que nous aimons tant, qui font du réel travail et qui sont, malgré eux, débordés, débordés d’activités, fatigués, souvent bien isolés, quelquefois mal compris. Nous devons les porter, dans la prière d’abord. Nous avons dans chaque Liturgie, dans chaque Office, à citer nos évêques. Faisons-le non pas avec les lèvres mais avec le cœur. Déposons-les aux pieds de l’autel devant le Seigneur pour que, Lui, leur donne force, grâce et courage. Et- puis peut-être devons-nous insister pour qu’ils œuvrent dans un climat plus simple, plus pastoral, moins administratif. Je dois vous dire que je suis effrayé quand je vois la tâche de certains de nos évêques, quand je vois l’ampleur de leur diocèse. Comment cela peut-il se faire ? J’ai appris récemment qu’un nouvel évêque dans le diocèse de Monseigneur Serge allait être ordonné et je me réjouis. D’abord parce que je le connais bien, que ce sera un bon évêque, actif et présent. Nous devons susciter d’autres vocations sacerdotales. Plus il y aura de prêtres, de diacres, mieux l’Eglise fonctionnera. Elle entraînera plus de fidèles qui eux aussi œuvreront et donneront une ampleur à l’Eglise, non pas pour être nombreux, le nombre ne nous intéresse pas. Un de mes meilleurs amis, te Père Pierre Chesnakov disait, il y a quelques années, à quelques chrétiens orthodoxes qui étaient inquiets de leur petit nombre : « Le Seigneur a dit : Vous êtes le sel de la terre mais il rajoutait, si on met trop de sel dans la soupe, elle n’est pas bonne ». Avec humour, il savait nous dire que ce n’est pas une question de quantité mais de qualité. Au demeurant, il me semble que nos évêques, peut-être aidés par quelques consultants, devraient poursuivre leur réflexion sur le fonctionnement de notre Eglise, à partager leurs tâches et à faire que l’ecclésiologie orthodoxe que nous aimons tant soit une réalité et non pas une image pieuse. Tout ce qui a été fait est bien mais nous devons avancer, nous devons nous encourager mutuellement les uns les autres, nous soutenir, éviter la critique, cette critique qui tue l’homme, et qui blesse Dieu. Voir les bonnes choses qui se font en chacun d’entre nous. Il n’y a personne qui existe sur cette terre qui ne soit pas le reflet de la beauté de Dieu. C’est cela que nous devons développer, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi chez ceux qui nous entourent, trouver les charismes. Encore une fois, je suis personnellement persuadé que nos diocèses ne sont pas viables. Il serait bon de supprimer la superposition des juridictions au profit d’un établissement d’évêchés limités géographiquement et n’ayant qu’un seul évêque à leur tête. Chers évêques ne laissez pas vos prêtres seuls dans les paroisses de Province. Ils sont souvent - et j’en suis le témoin - très seuls, ils sont désemparés, ils ne savent plus quoi faire. Ils peuvent même faire des erreurs, qui leur en voudra ? Il faut qu’ils soient soutenus. Développez le diaconat, retrouvez le sens profond du diacre qui est à la fois au service de l’autel et au service de la table, la table c’est le lieu où on partage le repas, c’est le lieu où les Pauvres sont rassasiés, c’est le lieu où ceux et celles qui souffrent sont consolés. Le rôle du diacre est primordial aujourd’hui. Nous devons retrouver ce service et ne pas le cantonner au seul service divin. Le diacre est un homme de prière, il doit célébrer l’Eucharistie et les Offices et il doit, au-delà de cet exercice nécessaire, témoigner de l’amour de Dieu à tous les hommes de bonne volonté. Suscitons des prêtres, suscitons des diacres. N’ayons pas peur. Et vous les fidèles, je vous renvoie à vous-mêmes. Combien de fois j’ai entendu des laïques dire : « Non, je ne veux pas devenir diacre, non je ne veux pas devenir prêtre, parce que ... et parce que ... et parce que encore ». Quelles sont ces raisons ? La plupart du temps elles sont négatives, elles ne viennent pas du cœur, elles viennent du démon qui nous souffle à l’oreille : tu vas perdre ton temps, tu vas te fatiguer, tu n’es pas capable. Et bien, si le peuple de Dieu vous désigne, s’il vous choisit vous devez accepter. Parce que le Seigneur nous le dit par toute sa vie. A Gethsemani, Il a peur, Il est tenté, le démon revient comme pendant les 40 jours du désert, le Seigneur est tellement dans la souffrance qu’Il saigne une sueur de sang mais Il dira cette phrase qui nous sauve tous : « Mais Père que Ta volonté soit faite ». Ayons le courage, nous aussi, de dire : « Père, que Ta volonté soit faite ». Vivons dans l’amour. L’Eglise est communion d’amour, elle n’est rien d’autre. Elle n’est pas une institution dans le sens où nous entendons « institution politique, institution sociale ». Non, l’Eglise n’est pas là, l’Eglise est don, communion d’amour autour de son Seigneur, avec son Seigneur, et dans la mouvance de l’Esprit Saint. C’est dans cet esprit que nous devons avancer. Je nous souhaite à tous de continuer de croître, profondément, par le travail de Dieu, aussi par notre réponse à la grâce qui nous est proposée.
Que le Seigneur nous bénisse tous, qu’Il nous aide à grandir avec nos frères quels qu’ils soient, quels que soient leurs places dans l’Eglise, qui toutes sont bénies. Et que nous avancions ainsi témoignant de l’amour de Dieu aux hommes, c’est cela dont le monde a besoin. Que l’on nous voit, comme on voyait les premiers chrétiens s’aimer et que l’on puisse dire de nous aussi : « Voyez comme ils s’aiment ». Est-ce que cela est possible ? Et bien je vais vous répondre : oui, totalement possible, à cause de Dieu, à cause de Jésus-Christ, sauveur et rédempteur, à cause de l’Esprit qui nous donne vie, qui donne le dynamisme à chacun d’entre nous et à l’Eglise. Tout cela est possible mais croyons-le et vivons de notre foi, de notre adhésion à la personne du Christ qui est venu au milieu de nous pour nous dire que nous étions aimés quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons. N’ayons pas peur, l’Eglise existe, l’Eglise avance, l’Eglise grandit. Le christianisme ne fait que commencer, comme l’a dit le Père Alexandre Men, dans le sens où, tous les jours, il faut poursuivre notre collaboration à l’œuvre de Dieu.
Pardonnez-moi, priez pour moi. Amen.
+ SYMEON
Higoumène du Monastère Saint Silouane