Amour de l'autre amour de Dieu
27/10/2019 Lc VI, 31-36
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Les paroles que le Seigneur Jésus nous adresse aujourd'hui dans cet Evangile sont d’une grande force et nous invitent à aller au-delà de ce que nous vivons d’une manière habituelle ; elles nous invitent à nous dépasser, à vivre autrement, c'est-à-dire à aimer jusqu’à aimer nos ennemis. Cette parole peut sembler terrible car elle est difficile à accomplir et pourtant si le Seigneur ose nous donner cette Parole c’est parce que Lui-même en a vécu, que toute sa vie témoigne de cet amour, de cet amour sans limites car si nous relisons les Evangiles nous nous apercevrons que le Seigneur Jésus tout au long de sa vie a été critiqué, a été rejeté, a été méprisé ; certes Il a été écouté aussi, entendu, accueilli mais combien de fois a-t-il été mis sur le côté, combien de fois a-t-on essayé de l’empêcher de parler, combien de fois a-t-on eu l’idée de le détruire et cette idée s’est réalisée puisqu’Il a été crucifié sur le bois de la Croix. Et pourtant, et pourtant lorsqu'Il se trouve cloué sur la croix Il nous dit cette Parole – car Il la dit aussi pour nous bien qu’Il s’adresse à son Père – « Père pardonne-leur parce qu'ils ne savent pas ce qu’ils font » ; autrement dit Il va jusqu’à aimer ses propres bourreaux et demander au Père de leur pardonner c'est-à-dire de les aimer malgré ce qu’ils ont fait. On pourrait citer d’autres exemples significatifs : prenons, par exemple, l’attitude de l’apôtre Pierre qui, à la fois, aimait beaucoup le Seigneur et était certainement un des plus fidèles des apôtres à l’entendre, à l’écouter, à essayer de vivre de sa Parole ; mais malgré l’avertissement du Seigneur, Pierre l’a trahi au moment de son jugement, Pierre a trahi le Seigneur Jésus et à ce moment-là le coq s’est mis à chanter, ce qu’avait prédit Jésus : « Avant que le coq n’ait chanté trois fois, tu m’auras renié » ; et pourtant il a suffi d’un regard du Christ vers Pierre qui le trahissait pour que les larmes de Pierre coulent, les larmes de repentir, et pour que l’amour du Seigneur lui soit accordé. Le Seigneur Jésus lui confiera la charge d’aider ses frères apôtres dans leur apostolat ; Il ira jusque-là bien que Pierre l’ait trahi. Le Seigneur a aimé tous ceux qui L’entouraient ; Il nous a montré l’exemple et nous, qui sommes chrétiens – ou qui voulons essayer de l’être en tout cas – nous sommes confrontés à cette difficulté de l’amour, non pas de l’amour de ceux dont parlent le Seigneur, de ceux qui sont aimables, de ceux qui sont faciles à aimer, nos amis, nos proches, de ceux qui pensent comme nous mais d’aimer ceux qui sont différents de nous ; or dans notre vie, tous les jours, nous sommes confrontés à l’autre, celui qui est différent, celui qui n’est pas moi. J’ai dit, il y a quelques temps, à la communauté, combien il était important de chercher à aimer celui qui est différent de moi qui forcément, d’une manière ou d’une autre, va me gêner, plus ou moins fortement ; il y a des gênes que l’on supporte et d’autres que l’on supporte beaucoup moins ; il y a des agressions que l’on supporte et d’autres que l’on ne peut pas supporter humainement ; pourtant le Seigneur nous invite à aimer celui ou celle qui cause des désagréments, à les aimer jusqu’au bout. Le Seigneur terminera son enseignement en disant : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » et c’est peut-être là qu’est la clé de cette question aussi difficile à résoudre ; car, en effet, nous sommes aimés par le Seigneur, nous sommes aimés sans condition et pourtant tous nous sommes des pécheurs c'est-à-dire qu’à certains moments nous trahissons le Seigneur, nous le rejetons plus ou moins consciemment et pourtant le Seigneur nous aime ; il suffit que nous nous tournions vers Lui et qu’humblement nous lui demandions de nous accueillir comme le fils prodigue fut accueilli par le Père ; alors si nous faisons une fois dans notre vie cette expérience de la miséricorde de Dieu : cet amour inconditionnel qui se pose sur nous malgré nos incapacités d’aimer, malgré nos rejets, malgré nos mépris, malgré notre abandon, si nous faisons cette expérience de l’amour de Dieu alors nous est offert la clé qui nous permet d’aimer jusqu’à nos ennemis mais il faut bien comprendre ce que veut dire aimer : il ne s’agit pas d’un sentiment affectif, c’est beaucoup plus que cela ; aimer l’autre c’est l’accepter dans toute la profondeur de son être comme il est ; or chacun de nous est différent, c’est bien là la difficulté mais aimer celui qui est en face de moi ou celle qui est en face de moi en souhaitant qu’il ou elle reçoive plus d’amour que moi je ne voudrais en recevoir, c’est là la clé de la miséricorde : vouloir que l’autre aie plus d’amour que moi je souhaite en recevoir pour moi ; si nous essayons de comprendre cette Parole, alors nous pouvons comprendre l’invitation du Christ à être miséricordieux envers nos frères et nos sœurs, à les accueillir dans leur être profond peut-être des êtres fragiles, probablement des êtres qui à certains moments tombent dans le péché comme nous-mêmes et le Seigneur nous demande de les aimer comme Lui-même les aime. Dans le « Notre Père » nous parlons de cet amour de l’autre : aimer notre prochain comme nous-mêmes, comme nous-mêmes nous aimerions être aimés, l’aimer avec encore plus d’amour et pour cela et pour ce faire, il nous faut beaucoup prier, beaucoup supplier le Seigneur car il y a des moments où l’épreuve de l’amour de l’autre est tellement lourde, tellement écrasante, tellement broyante que cela nous amène à dire : « Seigneur cela m’est impossible, je ne peux pas, je n’y arrive pas » ; alors souvenons-nous de la Parole du Christ qui dit sur la croix : « Père pardonne-leur » » ; Il aurait pu dire Lui-même : « Je vous pardonne » mais Il demande au Père de pardonner. Alors, nous aussi, si dans l’immédiateté de la relation, nous ne parvenons pas à pardonner, c'est-à-dire aimer au-delà de ce qui est pensable, nous pouvons nous tourner vers Dieu et dire : « Pardonne, pardonne à ma place car pour le moment je ne parviens pas à pardonner, je ne parviens pas à aimer, je ne parviens pas à faire miséricorde à celui ou celle qui est en face de moi. Et puis, ouvre mon coeur à cette miséricorde que tu m’offres toi-même et permets que moi aussi, je la déverse sur la blessure que je cause à mon frère ou à ma sœur en refusant de l’aimer, en déversant le baume de ta propre miséricorde sur la plaie que j’ai causée en refusant de l’aimer sur le moment ». Alors, sans aucun doute, si notre prière est sincère, si elle est fervente, si elle est régulière, si elle est tenace, le Seigneur nous offrira la possibilité d’aimer au-delà de ce qui est pensable, c'est-à-dire aimer au-delà de ce que nous désirons comme quantité d’amour. Que Dieu nous donne cette grâce, qu’il nous donne de goûter la grâce de la miséricorde qu’il pose sur nous-même d’abord comme première expérience puis surtout qu’Il nous donne la possibilité d’expérimenter le don de l’amour vers l’autre sans condition, sans limite, quelle que soit la situation qui a provoqué l’être qui est en face de moi car cet être est en enfant de Dieu.
Amen