Monastère Saint Silouane

Être attentif à l'autre prière

22/10/23    Luc VII, 11-16
 
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
 

Une fois encore nous voyons le Seigneur Jésus offrir sa miséricorde à ceux qui souffrent, cette miséricorde elle s’applique de nombreuses fois dans l’Evangile et l’on pourrait dire que c’est le thème très important que le Seigneur nous montre dans son amour infini.

Mais il y a  une chose à laquelle nous ne pensons pas toujours et qui est extrêmement importante qui est une chose qui vient un peu en arrière de l’acte du Christ, c’est qu’il est attentif, il est attentif à tous ceux qui ont besoin de son amour et de sa miséricorde ; être attentif à l’autre, celui qui est en face de moi, cela peut être un proche, un frère, une sœur de la communauté, cela peut être quelqu'un de ma famille, cela peut être quelqu'un de mon quartier, cela peut être quelqu'un de mon diocèse, de ma paroisse, cela peut être quelqu'un du monde entier ; oh certes nous sommes informés par rapport au monde de tous les désastres qui existent aujourd'hui ; il y a  comme une espèce de raz de marée sur la terre et nous en sommes informés plus ou moins clairement et justement mais nous en sommes quand même informés. Je pense qu’en tant que chrétiens nous devons être extrêmement attentifs aux souffrances, aux souffrances de l’autre, une souffrance passagère, une souffrance légère, une souffrance plus importante, une souffrance dramatique ; il y a dans nos pays un tas de personnes qui viennent des autres pays et qui tentent de s’en sortir, ceux que l’on appelle les migrants ; est-ce que l’on fait attention à ces gens-là ? Est-ce qu’on les considère comme des numéros qui plongent dans la mer et qui meurent ou est-ce qu’on les considère comme des personnes ? Bien sûr cela relève d’abord de ceux qui sont présents sur les lieux où ces migrants périssent parce que l’on ne les accueille pas, parce que l’on n’est pas attentif à eux ; et puis il y a nous, nous les chrétiens à qui il est demandé d’aimer nos frères, nos sœurs, qu'est-ce que nous faisons de ce commandement  du Christ qui est le commandement vital ? Est-ce que nous prions ? Nous essayons, c’est vrai, de temps en temps, peut-être de plus en plus, je l’espère mais notre devoir de chrétien c’est de donner ce que nous avons reçu car nous sommes tous des migrants sur cette terre, notre terre n’est pas notre terre définitive, nous sommes de passage, nous sommes des nomades, nous sommes en camping sur terre ; nous savons très bien que lorsque nos frères et sœurs prient pour nous, nous en recevons une grande grâce de la part de Dieu, nous recevons la miséricorde de Dieu. Je pense qu’il y a un très gros travail spirituel à faire pour chacun de nous sur cette terre – pas uniquement les chrétiens d’ailleurs ; comment peut-on concevoir qu’un homme tue un homme ? Qu’un homme tue son frère ? Son frère et son sang et il le tue ; comment pouvons-nous concevoir cela ? Oh certes ne nous sommes pas indifférents et je le sais mais il nous faut être plus qu’attentifs, il faut que cette attention elle se concrétise d’une manière ou d’une autre : nous pouvons appartenir à des associations d’aide, bien sûr : nous pouvons aider directement quelqu'un qui souffre, qui est abandonné de tous, qui arrive dans nos pays ; comment sont-ils accueillis ? Dans des camps, on les met dans des camps et quand les camps sont trop nombreux, on les envoie ailleurs ; voilà ce que nous sommes, alors pas nous directement, bien sûr mais nous sommes liés à tous les hommes de la terre les bons comme les mauvais et il faut que nous devenions bons pour ceux qui ont besoin, nos frères, nos sœurs ; je connais plusieurs personnes, un évêque orthodoxe un jour m’a dit qu’il était allé à Lampedusa, ce lieu où beaucoup de migrants tentent d’arriver pour être accueillis sur une terre de bénédiction et qui meurent dans l’eau ; ce ne sont pas - comme je l’ai dit au début - des numéros, ce sont des personnes et tant que l’on considère les autres comme des numéros ou comme des individus, auxquels on ne fait pas attention parce que vous comprenez il y a  tellement – voilà j’ai entendu cela combien de fois – il y a  tellement ; eh bien oui il y a  tellement, il y a  même beaucoup et c’est ceux-là qu’il faut aimer en premier ceux qui souffrent, ceux qui sont abandonnés, ceux qui sont persécutés, ceux qui sont torturés ; notre responsabilité de chrétiens est grande, beaucoup plus que nous le croyons et pour ce faire nous avons à notre disposition la prière, premier acte possible et facile - plus ou moins – prier pour les autres ; quand vous ne savez pas prier pour Dieu, quand vous ne savez pas prier pour vous, quand vous ne savez pas prier pour votre famille, votre communauté, votre paroisse, priez pour ceux qui souffrent même si vous ne les connaissez pas, votre cœur va s’élargir, votre coeur va grandir, votre amour va fuser, c’est cela la vie chrétienne, ce n’est pas compter combien j’ai fait de chapelets, combien j’ai fait de métanies, combien de fois j’ai vénéré les icônes, combien j’ai fait de signes de croix – un peu n’importe comment d’ailleurs,  - ce n’est pas cela, cela ce sont des voyants, des moyens utiles, bien sûr, mais  qu’il faut faire correctement en ayant conscience de ce que l’on fait ; il y a  la prière, la prière est à notre disposition tout le temps, tous les jours, à chaque fois que nécessaire, pour tous ; la prière, c’est un cadeau de Dieu, c’est une invitation de partage avec Dieu qui est en prière en permanence, pour nous, Il est prière pour l’homme sur cette terre qu’Il a créée à son image et à sa ressemblance ; où est l’image et la ressemblance de Dieu dans nos cœurs par rapport à l’attention que je dois porter sur l’autre ? Eté attentifs, on le répète dans toutes les Liturgies comme des perroquets : soyons attentifs, soyons attentifs ; est-ce qu’on est attentif à l’autre, à celui qui souffre, qui est par terre ou qui est dans l’eau, qui meurt ? C’est cela la vraie question ; le Seigneur dans ce miracle, Il a été attentif à cette femme qui pleurait et qui avait perdu son fils, Il a été attentif, Il l’a vue et Il l’a accueillie et Il a ressuscité le fils. Peut-être que vous croirez que je suis un peu virulent aujourd'hui, c’est peut-être signe que je vais mieux mais en tout cas c’est plus que cela, parce que je vous dis, je le dis à moi, à moi qui suis responsable d’Eglise, d’un monastère et de mon archevêché, en partie ; je vais aller bientôt en Italie, la semaine prochaine dans un monastère : le monastère est grand, la communauté est plus petite mais il y a  beaucoup de monde qui vient, tous les gens qui sont là sont des émigrés et l’higoumène de ce monastère accueille tous les dimanches 150 personnes à la Liturgie et à sa table, sauf quelques-uns qui repartent en famille, très peu ; et j’ai la chance de voir par mes yeux et par mon coeur combien ces gens sont heureux d’être accueillis, quels qu’ils soient, dans la souffrance comme dans d’autres situations ; pour accueillir il faut être attentif, guetter ; quand nous passons dans la rue et que nous voyons des pauvres gens, assis par terre avec un petit bol, une espèce de verre en plastique dans lesquels ils attendent quelques aumônes mais ils attendent beaucoup plus que cela, ils me l’ont dit, plusieurs déjà, quand je vais à Paris : votre sourire et votre parole sont plus importants que la pièce de monnaie que vous mettez dans ma petite boîte : savoir sourire à l’autre, savoir le soulager ; vous savez cette responsabilité, le Christ l’a vécue jusqu’au bout pour nous sauver et nous sommes appelés par le Christ à participer au salut du monde chacun à sa manière mais plus particulièrement par rapport aux pauvres ; le Seigneur nous l’a dit : « Vous aurez toujours des pauvres parmi vous » : pourquoi  a-t-Il dit cela ? Il aurait pu dire : à un moment cela ira mieux, il n’y aura plus de pauvres. Non. Il y aura des pauvres parmi nous jusqu’à la fin des temps. Pourquoi ? Pour que nous travaillions dans notre coeur, que nous soyons des aimants, des accueillants, des attentifs, des observateurs mais plus que des observateurs, l’observation doit déclencher quelque chose en nous comme, dans le récit, l’observation du Christ a déclenché quelque chose en Lui pour soulager, pour accueillir, pour donner la vie et nous pouvons faire la même chose ; oh ressusciter des morts, cela c’est réservé à quelques-uns mais nous pouvons faire participer à la Résurrection si nous accueillons notre frère ou notre sœur dans sa situation de détresse et cela peut être dans notre communauté, dans notre famille, dans notre paroisse, dans notre diocèse et c’est dans le monde entier. Soyons des chrétiens et pour être chrétiens il faut suivre les commandements du Christ ; ce ne sont pas des paroles en l’air que le Christ a données : Tu aimeras ton Dieu et ton prochain ; un jeune homme a dit : qui est mon prochain ? Alors le Christ lui a expliqué, Il lui a montré dans cette fameuse histoire du Samaritain et le pauvre homme qui avait été blessé par un voleur – peut-être je ne sais pas - ; devant ce pauvre homme passent beaucoup de gens : des gens très importants, des gens responsables – à l’époque il n’y avait pas d’Eglise au sens strict mais il y avait le temple, il y avait les grands-prêtres, il y avait tous ceux qui s’occupaient de la louange de Dieu, - tous ceux-là ils sont passés devant ce pauvre homme pour changer de trottoir et ils sont partis ; c’est un étranger qui est venu soulager son frère, qui l’a porté, qui l’a soigné, qui a donné de l’argent à l’hôtelier pour qu’il le soigne et qui lui a dit : à mon retour, si tu as besoin, j’aurai encore la possibilité d’aider ; voilà ; nous avons plein d’exemples du Christ, bien sûr, je ne vais pas tous les citer parce que nous y passerions l’après-midi. Je pense qu’aujourd'hui nous recevons quelque chose de très important auquel d’habitude je ne pense pas par rapport à ce miracle ; oh oui, je parle de la miséricorde de Dieu, à juste titre, de l’amour de Dieu, à juste titre mais ce matin en regardant en vitesse quel était l’Evangile du jour juste avant de m’asseoir, je vois ce miracle et je ne sais pas pourquoi – si je sais parce qu' l’Esprit-Saint existe, - j’ai dit ce n’est pas là-dessus que je vais parler essentiellement mais ce qu’il y a avant : l’attention du Christ dans son amour pour chacun. Il est attentif pour nous, pour nous Il est attentif ; Il est à côté, Il attend, Il est prêt à nous relever alors nous que faisons-nous ? Nous qui aimons le Christ, qui disons que nous aimons Dieu et nous L’aimons mais attention l’amour ce n’est pas là (dans la tête), c’est là (dans le coeur) et puis de là doit jaillir ce qu’il y a à faire. C’est la grâce que je vous souhaite à tous et à moi en premier.
Amen

                      

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