Silence
15/8/2018 Lc X, 38-42, XI, 27-28
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Ce qui caractérise peut-être le plus la Très Sainte Mère de Dieu dont nous fêtons la Dormition en ce jour, c’est un seul mot : le silence. En effet, d’une part nous ne connaissons pas beaucoup de choses sur la Mère de Dieu : nous connaissons l’épisode de l’Annonciation, l’épisode de Cana et puis l’épisode aux pieds de la croix. La Dormition elle-même nous est connue par des écrits apocryphes et tout le reste est silence. Et d’ailleurs au moment de l’Annonciation lorsque l’ange lui apparaît, la Mère de Dieu est dans le silence, non pas d’une manière ponctuelle et spécifique mais d’une manière habituelle. Très jeune elle a été mise au service du temple et forcément ce service elle l’a accompli dans le silence. Elle méditait toutes ces choses (celles qui étaient dans l’Ancien Testament) dans son cœur mais pour méditer ces choses il lui fallait avoir un cœur de silence, un cœur libre, un cœur disponible. Et c’est pour cette raison aussi qu’elle a pu dire à l’Archange : Oui. Ce oui qui est le début de notre salut ; ce oui qui est prononcé par une femme de notre race, pas quelqu'un qui était exceptionnel – même si la Mère de Dieu est exceptionnelle – mais elle était comme nous, capable de tomber dans le péché mais elle n’y est jamais tombée, à la fois, par la grâce de Dieu et parce qu'elle a su accueillir cette grâce dans une symbiose qui lui était propre. Oui le silence marque la vie de la Mère de Dieu. C’est aux pieds de la croix que nous la retrouvons dans le silence et cette fois dans la compassion, cette compassion qui nous est proposée de vivre à certains moments dans notre vie, c'est-à-dire compassion envers ceux qui souffrent, qui nous sont proches ou lointains ; cette compassion ne peut être vécue profondément et intensément que dans le silence mais un silence nourri de Dieu. Je me souviens qu’une fois, il y a très longtemps, un higoumène de monastère, face à la mort d’un de ses frères m’avait dit : une seule chose est à faire maintenant, entrer dans le silence. Oui la Mère de Dieu a su être compatissante par rapport à son Fils qui était cloué sur une croix. Et par son silence elle a participé à ce salut du monde. On la retrouve silencieuse au moment de la noce de Cana lorsqu'elle s’adresse à son Fils pour qu’il puisse faire quelque chose parce qu'il n’y a plus de vin : son Fils lui répond et elle se tait, elle ne lui répond pas, elle ne se justifie pas, elle n’explique rien ; elle va juste dire aux serviteurs : « Faites tout ce qu’Il vous dira », c'est-à-dire que son silence-là est un silence d’abandon total à la volonté de son Fils qui fera effectivement le miracle. Le silence, ce silence qui nous est si difficile, à nous tous : moines, moniales, laïcs ; dans le monde, pas dans le monde, le silence est difficile et notre civilisation, mais peut-être celle d’avant aussi, ne nous ont pas appris le silence. Et pourtant le silence est nécessaire. Si nous savions nous taire … combien le monde serait dans la paix parce que le silence, tel que la Mère de Dieu l’a vécu, comme je le disais tout à l’heure, est un silence qui veut se nourrir de Dieu, qui veut être habité par Dieu, par l’Esprit-Saint. C’est donc un silence qui est positif - je dirais même – dynamique, dynamisant ; c’est dans ce silence que beaucoup de choses vont pouvoir s’accomplir ; c’est dans ce silence que le mystère du salut s’accomplit : oui, elle répond simplement oui. Alors pour nous c’est une leçon, un témoignage pour notre vie : nous nourrir du silence, du silence qui lui-même est nourri par la présence du Saint-Esprit. Avant tout acte, avant toute décision, avant toute action, être dans le silence, quelque temps et se laisser visiter par Dieu, comme la Mère de Dieu l’a fait. Il y a une vieille tradition russe qui fait que lorsque quelqu'un part en voyage, pour un long voyage, avec des valises, avant de quitter la maison, il se pose sur un siège quelque temps en silence et ensuite s’en va. C’est une très belle tradition parce que vous comme moi quand on part en voyage on est toujours un peu angoissé, excité, énervé : on a peur d’oublier quelque chose, de rater le train, l’avion, etc. Mais si nous nous posions dans le silence quelques secondes avant de partie, cela attirerait une capacité d’abandon entre les mains de Dieu quoiqu’il arrive, il n’y aurait plus d’angoisse, d’inquiétudes de rater le train ou l’avion ou d’oublier quelque chose ; qu'est-ce que cela pourrait faire puisque Dieu est avec nous ?
Oui, alors retenons ce message de la part de la Mère de Dieu : être dans le silence, méditer dans le silence la parole de Dieu et puis garder le silence à chaque fois que nécessaire, notamment cela nous éviterait des critiques, des mauvaises paroles, des mauvaises réactions, des colères, des jugements, des rejets, du mépris et toutes ces choses qui nous encombrent le cœur et l’alourdissent. Le silence est tellement beau… Nous qui avons la chance de vivre dans la nature, en pleine forêt, nous pouvons goûter ce silence où l’on n’entend que quelques oiseaux qui chantent la louange de Dieu et rien d’autre, en principe, sinon notre babillage ou nos discours inutiles. Dans le monde c’est plus difficile : dans une grande ville, même dans un village, le silence est difficile, mais il est possible parce que le silence n’est pas quelque chose d’extérieur à nous, c’est quelque chose qui est à l’intérieur de nous, à l’intérieur du cœur, dans un désir profond d’être silencieux. Alors tout devient possible où que nous soyons ; même dans l’agitation la plus grande le silence est possible et s’il est habité par Dieu alors, comme la Mère de Dieu, nous sommes sur la voie du salut où nous serons sauvés.
Amen