Viens et suis-moi
5/3/2017 Mt XIX, 21 Marc X, 21 Luc XIIX, 22 JN I, 43-51
Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Arrêtons-nous quelques instants sur un très court passage de cet Evangile. Deux mots : « Viens, suis-Moi ». Cet appel que Jésus prononce envers l’apôtre Philippe – que Philippe répètera à Nathanaël - est extrêmement important. Il semblerait presque insignifiant d’entendre ces quelques mots. « Viens et suis-Moi ». C’est ce qu’avait dit Jésus à André et à Pierre. C’est ce qu’Il a dit à tous ses apôtres qui L’ont suivi et qui ont constitué ce qu’il est coutume d’appeler le collège apostolique. Cette petite parole « Viens et suis-Moi », Jésus la donne, l’offre, on pourrait même dire, à celui qui l’entend. Certes, ceux qui entendent cette parole peuvent l’entendre différemment. En effet le dialogue qui s’instaure avec Nathanaël par la suite, est un peu différent au niveau de l’attitude que ce qui s’est fait entre Philippe et Jésus. Là, il y a eu immédiateté de réponse. Dans le deuxième cas, il y a eu des hésitations, des interrogations légitimes et puis, en définitive, cela se termine bien. Le « viens et suis-moi » qui s’adresse aux apôtres, beaucoup de pères l’ont commenté en disant qu’il était à la base de tout appel monastique et ils n’ont pas tort. Au demeurant, il n’y a pas d’appel monastique qui ressemble à un autre. Il y en a qui ont entendu l’appel à devenir moine ou moniale tardivement, quelque fois fort tardivement et d’autres qui ont entendu cet appel très tôt, très, très tôt. Et cet appel les Pères ont raison de dire que c’est la base de l’appel monastique mais il faut rajouter que cet appel que Jésus fait s’adresse à tout le monde. Non seulement aux moines et aux moniales, disons plus particulièrement, sous une forme plus spécifique, dans l’abandon le plus total possible – tant que le possible existe sur cette terre – mais il s’adresse à tout-un chacun parce que, en définitive, être chrétien, c’est suivre le Christ. Etre chrétien c’est entendre ces Paroles : « Viens et suis-Moi ». Cela veut dire : « Viens et chemine avec Moi tout au long de ta vie. Tu n’es pas seul. Je suis avec toi. Viens et suis-Moi, c'est-à-dire, observe mes commandements. Regarde comment je fais. Regarde et entends ce que Je dis aussi et essaye de Me suivre ». Le Seigneur Jésus sait très bien qu’aucun de ses apôtres n’étaient capables de Le suivre parfaitement, intégralement et sans faille, comme Il sait très bien que nous sommes incapables, nous aussi, les moines et les moniales, de Le suivre parfaitement, impeccablement et sans fautes ; comme Il sait très bien que tout un chacun ne peut suivre le Christ parfaitement, totalement et sans fautes. Mais là n’est pas le problème, le problème est de réactualiser sans cesse cet appel : « Viens, viens près de Moi, viens avec Moi, viens vivre avec Moi et suis-Moi : ne change pas de chemin, ne t’écarte pas et si tu t’écartes, reviens » – C’est moi qui le rajoute, ce n’est pas le Seigneur qui l’a dit. Moi je vous le rajoute parce que je sais que cela ne peut pas être autrement tout simplement et que le Seigneur renouvelle cet appel : « Viens et suis-Moi , ce qui veut dire : « Reviens ». Ce qui veut dire en conséquence que nous devons tout faire pour suivre le Christ, pour être chrétien. Il ne s’agit pas d’être parfait, il s’agit d’être chrétien, ce n’est pas tout-à-fait la même chose. Le chrétien est celui qui va essayer d’imiter au maximum le Christ et ses vertus et qui sait aussi qu’il est constitué d’une nature déchue, donc affaibli, et qu’il est capable d’en rajouter sur cette nature déchue en commettant des fautes, des éloignements, des écartements par rapport au Christ car suivre le Christ quand tout va bien, c’est facile, mais quand ça va moins bien et cela va encore moins bien et quand cela va plus mal, là, c’est plus difficile. Quand je dis « Quand cela va plus mal », c’est lorsque notre orgueil domine en nous, notre égoïsme nous envahit et nous fait oublier que le Seigneur Jésus nous a dit : « Viens avec Moi, viens vivre avec Moi, suis-Moi ». Quand on oublie cela, à cause de l’orgueil et de l’égoïsme, cela va mal mais il faut nous dire qu’avec le Seigneur, cela ne va jamais mal ; cela ne va jamais mal car Il pose toujours un regard d’amour sur nous, même si l’on s’écarte, même si l’on commet des fautes graves volontaires ou involontaires, Il est toujours là à nous dire : « Viens et suis-Moi ». Beaucoup de chrétiens, de fidèles, pensent que les moines et les moniales sont supérieurs, sont plus grands que les autres, c’est pour cela que l’on a été choisi, paraît-il. Je vais vous décevoir mais c’est une erreur totale. C’est une erreur totale car les moines et les moniales sont comme tous les hommes et toutes les femmes de la terre : chercher le bien mais aussi à vivre le mal, par conséquent, même si le Seigneur leur a dit très tôt ou plus tard : « Viens et suis-Moi », à certains moments, ils s’écartent et le Seigneur est obligé de redire : « Viens et suis-Moi ». Lorsqu'un moine prononce ses vœux, je dis à peu près toujours la même chose : « Ne crois pas que maintenant tout est réglé parce que tu as dit oui. Dire oui aujourd'hui, cela dure une seconde. Oui et tout est réglé … non, rien n’est réglé. Tous les jours et plusieurs fois par jour, il faudra redire : « Oui » ou essayer. Et si tu n’y arrives pas, demande le secours de Dieu. Lui, pourra dire oui à ta place parce qu'Il a dit oui sur la croix pour toi. Ce que je dis aux moines, je vais vous le dire à tous, c’est la même chose, c’est la même réalité. Nous ne savons pas pourquoi nous sommes moines ou moniales. Je n’ai jamais compris pourquoi, moi, j’étais higoumène et je n’ai toujours pas compris d’ailleurs. Un jour j’ai posé la question à mon père spirituel quelques années après l’higoumenat et je lui ai dit : « Je ne comprends pas pourquoi je suis higoumène ». Il m’a répondu : « Et bien c’est pour que tu apprennes à devenir moine ». La question du Christ, cet appel : « Viens et suis-Moi » est extraordinaire parce qu'elle est une confiance totale en nous, Il s’abandonne en quelque sorte en nous en nous disant : « Viens et suis-Moi ». Il sait bien en ayant appelé Pierre, André et les autres, qu’ils vont le trahir, l’embêter, lui poser des questions idiotes au point qu’il dira : « Jusqu’à quand serai-je avec-vous ? ». Et à nous Il dit la même chose, avec confiance. Il sait bien qu’on va le trahir, Il sait bien qu’on va s’écarter de Lui, Il sait bien qu’on va L’oublier, qu’on va faire des bêtises mais Il sait aussi que sa miséricorde est plus grande, que son amour est plus grand que nos fautes, alors n’ayons pas peur de nos fautes. Je ne vous dis pas : « Péchez et soyez en paix ». Je vous dis : « N’ayez pas peur de vos fautes, c'est-à-dire n’ayez pas peur de les regarder, de les voir. Comme dit Saint Isaac : « Celui qui voit ses péchés est plus grand que celui qui ressuscité les morts ». Car si nous ne voyons pas nos fautes, comment pourrions-nous avancer. Alors n’ayons pas peur. Le Seigneur l’a dit à Nathanaël : « Tu crois aujourd'hui parce que je t’ai dit que je t’ai vu sous le figuier, tu verras beaucoup mieux ». C'est-à-dire tu verras en application, et peut-être quotidiennement, comment mon amour se pose sur toi. C’est bien plus important que de t’avoir regardé sous le figuier.
Alors cet Evangile qui vient au premier dimanche de ce temps de carême est d’une beauté consolante, au travers de la confiance que nous fait le Christ en nous appelant, au travers de la confiance qu’Il nous fait en nous réappelant lorsque nous nous sommes écartés, au travers de ce qu’Il nous offre, de son amour sans limite, au travers de la possibilité qu’Il laisse entrevoir : « N’aie pas peur si tu tombes, c’est Moi qui te relèverai. Et je te dirai alors, viens et suis-Moi encore ».
» Amen