Monastère Saint Silouane

Repentir et ascèse Marie l'egyptienne

Repentir et ascèse Marie l'egyptienne

2/4/2017 Cinquième dimanche de carême Mc X, 32-45 Lc IIV, 36-50


Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
En ce cinquième dimanche de carême, l’Eglise fait mémoire de Sainte Marie l’Egyptienne. L’Evangile que nous venons d’entendre, s’il ne raconte pas sa vie, raconte la vie d’une pécheresse comme l’était Sainte Marie d’Egypte. Je ne sais pas si vous connaissez la vie de Sainte Marie l’Egyptienne, elle est très particulière. Cette femme a quitté sa famille à l’âge de 12 ans, une famille qui l’aimait et, volontairement, a laissé ses parents pour vivre une vie indépendante et surtout de débauche. Elle a passé de nombreuses années dans la prostitution volontaire, dans la débauche, dans les repas festifs excessifs, l’alcool et toutes ces choses. Elle faisait cela pour son propre plaisir, par égoïsme puisqu’elle ne réclamait pas d’argent aux hommes qui venaient vers elle. Et puis un jour, au bord de la mer, elle vit de jeunes hommes égyptiens, érythréens qui prenaient le bateau, elle les questionna pour savoir où ils allaient, ils répondirent : « Nous allons à Jérusalem pour la fête de l’Exaltation de la Croix et plus parce qu'elle voyait des hommes beaux, fins, aux muscles déliés, elle voulut monter dans le bateau avec eux et continuer son œuvre de perversion. Elle n’avait pas d’argent et, pour qu’elle puisse monter sur le bateau, elle proposa le service de son corps. Elle fut acceptée et, pendant toute la traversée, elle poursuivit sa manière de vivre. Arrivée à Jérusalem, voyant que tous se dirigeaient vers l’église pour la vénération de la Croix, elle s’y rendit elle-même ne sachant pas trop pourquoi elle s’y rendait. Puis elle voulut rentrer dans le sanctuaire mais une force l’empêcha d’entrer ; elle essayait, comme tous les autres de passer le porche, mais une force irrésistible la bloquait. Découragée, elle s’assit dans un coin et découvrit, là où elle était, qu’il y avait une icône de la Mère de Dieu et là elle comprit, en regardant l’icône de la Mère de Dieu, que c’était toute sa vie qui l’empêchait d’entrer dans le sanctuaire. Elle comprit qu’il fallait que quelque chose se passe. Alors elle supplia la Mère de Dieu en lui demandant de bien vouloir lui permettre d’entrer dans le sanctuaire et elle lui promettait de changer totalement de vie et de faire exactement ce qu’elle voudrait. Puis elle essaya d’entrer dans le sanctuaire et cette fois-ci elle put, non seulement y entrer mais vénérer aussi la sainte relique de la croix du Christ. Après avoir vénéré la Croix, elle sortit, revint s’asseoir près de l’icône de la Mère de Dieu et lui dit : « Tu es maintenant ma protectrice et je t’obéirai. Dis-moi où je dois aller. » La Mère de Dieu lui indiqua qu’elle devait traverser le Jourdain et se rendre dans le désert où elle aurait une vie glorieuse. Elle le fit. A partir de ce moment-là elle comprit qu’ayant beaucoup péché elle devait entrer dans le repentir et vivre dans l’ascèse. Elle abandonna la luxure, elle abandonna toute vie mondaine et elle se dépouilla de tout. Avant de partir dans le désert elle était passée par une église Saint Jean-Baptiste pour y prier et demander le secours de Dieu. Là, quelqu'un lui donna 3 pièces avec lesquelles elle acheta trois pains et elle partit avec ces trois pains au désert. Evidemment les pains furent vite mangés et se sont desséchés. Pendant tout ce temps elle vécut d’herbes sauvages et subit toutes les intempéries, les difficultés du désert, les animaux sauvages et la chaleur du soleil ou l froideur de la pluie ou du vent. Un moine saint, réputé pour sa grande ascèse, Zosimas, eut l’intuition très forte qu’il fallait qu’il se rapproche du Jourdain dans un monastère près de ce lieu. Il s’y rendit et fut accepté et arriva la période du carême. Pendant le carême, dans ce monastère il y avait une tradition spécifique qui consistait à ce que chaque moine prenne de quoi se nourrir et parte seul dans le désert pendant quarante jours et revienne pour la Sainte Résurrection. Zosimas en fit de même, prit quelque nourriture et partit dans le désert. Au bout de quelque temps, il vit devant lui la forme d’un être humain qui avançait. Il eut le fort sentiment que cette personne allait lui apporter beaucoup et qu’elle était plus grande que lui. Il pria le Seigneur pour que ce saint homme arrête de marcher et lui donne les paroles qui lui permettraient d’avancer dans la vie spirituelle. Mais, au fur et à mesure qu’il avançait, la personne qui était devant lui s’enfuyait. Comme il courait plus vite il réussit à la rejoindre et, au bout d’un moment, cette personne traversa le fond d’un fleuve desséché, se trouva de l’autre côté, y resta et un dialogue s’instaura mais il comprit alors qu’il ne s’agissait pas d’un homme mais d’une femme, absolument nue, au corps totalement desséché, noir à cause du soleil et des intempéries. Alors il commença à entrer en dialogue avec elle, elle lui raconta sa vie et lui dit que, pécheresse, elle était là pour se repentir, pour retrouver l’amour de Dieu qu’elle avait chassé volontairement de son cœur. Ils discutèrent beaucoup : Zosimas voulut en apprendre le plus qu’il pouvait sur la vie de cette sainte femme. Elle lui dit au bout d’un moment : « Retourne dans ton monastère, viens me voir dans un an et apporte-moi la Sainte Communion ». C’est ce qu’il fit. Il lui apporta la Sainte Communion, dialogua de nouveau avec elle puis repartit car elle lui avait dit : « Dans un an reviens et fais de même ». Un an après il revint et la trouva morte sur le sable, les bras repliés sur son corps dans la dignité et il décida de l’enterrer. Ne pouvant le faire lui-même car la terre était très dure, il vit un lion qui s’approchait. Il eut peur d’abord – qui n’aurait pas peur d’un lion ? – et vit que le lion était plutôt pacifique et au bout de quelque temps le lion se mit à gratter la terre et en quelques instants creusa la tombe de Marie l’Egyptienne avec laquelle probablement il avait une relation privilégiée.
De cette histoire, nous devons retirer évidemment une leçon. C’est une très belle histoire, presqu’invraisemblable mais si l’Eglise nous propose de fêter Sainte Marie l’Egyptienne en ce jour et de nous souvenir de cette histoire c’est parce qu'il y a derrière une grande leçon. Certes nous ne péchons pas avec autant d’intensité probablement que Marie l’Egyptienne mais nous péchons tous et ce qui s’est passé dans le cœur et dans l’âme de Marie l’Egyptienne doit se passer dans notre propre cœur et particulièrement pendant cette période de carême propice à l’examen de notre situation. La première chose qu’il faut retenir c’est qu’elle comprit qu’elle était pécheresse : elle vit son péché ; c’est la première étape. Nous devons découvrir notre péché à la lumière de Dieu car c’est par la grâce de la Mère de Dieu que Marie l’Egyptienne a compris qu’elle était pécheresse et qu’elle ne pouvait rentrer dans le sanctuaire. Ensuite, une fois qu’elle fut rentrée elle comprit alors qu’elle devait changer. Elle avait vu son péché mais elle ne voulait pas rester dans cet état de péché, elle voulait abandonner cette vie qui était une vie de débauche. Alors elle pria, ce que nous devons faire quand nous constatons nos fautes, prier le Seigneur pour recevoir l’aide du repentir. Car si Marie l’Egyptienne est entrée dans le repentir c’est avant tout au travers des larmes et des cris qu’elle a déposés aux pieds du Seigneur comme la pécheresse de l’Evangile de tout à l’heure et puis, recevant la grâce du repentir, elle est entrée dans une forme d’ascèse relativement forte, violente même, en équilibre avec l’intensité de ses fautes. Pour chacun d’entre nous, il ne s’agit pas d’imiter Marie l’Egyptienne, surement pas dans la première partie de sa vie et même dans la deuxième. Il ne s’agit pas de la copier mais il s’agit de s’inspirer de ce qu’elle a fait. Prier pour obtenir le repentir, cette grâce de Dieu, puis, ensuite, accueillir la grâce et la faire fructifier pas l’ascèse, par une certaine maîtrise, par un désir de correspondre aux commandements du Christ. C’est la grande leçon que nous donne Marie l’Egyptienne, c’est pour cette raison que nous la fêtons, que nous la vénérons et qu’elle est sur nos icônes. C’est pour cette raison que l’Eglise nous donne de méditer sur sa vie en ce cinquième dimanche de carême. Il nous reste encore du temps avant d’entrer dans la semaine sainte. Il y a toujours du temps pour voir son péché, pour entrer dans le repentir et décider de vivre d’une manière plus ascétique. Que Dieu nous donne cette grâce.

Amen



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