Monastère Saint Silouane

Le prochain

18/11/2018 Lc X, 25-37
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Dans cet Evangile il y a quelque chose qui peut-être vous a surpris. En effet, le docteur de la Loi qui interroge le Seigneur connait bien les commandements de Dieu : « Tu aimeras ton Dieu de toutes tes forces, de toute ton âme ou de tout ton esprit et tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et il pose la question au Christ : « Et qui est mon prochain ? » Or, dans la parabole, c’est comme si la réponse était inversée parce qu'on aurait tendance à penser que celui qui est mon prochain est celui qui, dans la parabole, est au bord de la route, a été maltraité, a été blessé, il est presque mourant. C’est celui-là le prochain, celui que je dois soulager. Et, en fait, c’est tout l’inverse dans la parabole. Le prochain c’est un Samaritain qui s’est arrêté contrairement aux deux autres et qui a soulagé celui qui souffrait. Il y a, oui, comme une espèce d’inversion mais qu'est-ce que le Seigneur veut nous faire comprendre au travers de cela ? Il n’y a pas d’ambiguïté en fait car nous devons être le prochain de celui qui souffre et celui qui souffre doit reconnaître l’autre comme son prochain : il y a donc une espèce d’échange de relations avec la même qualification d’un côté comme de l’autre. Nous devons tous être le prochain de l’autre d’une manière ou d’une autre. Et en fait cela nous rappelle l’autre parabole que le Seigneur nous offre pour méditer sur la fin des temps. Vous savez, il y aura d’un côté les boucs et de l’autre côté les brebis, etc. Et puis on l’interroge et il dit : « Celui qui aura soulagé les pauvres, c’est Moi qu’il aura soulagé. Celui qui aura visité les prisonniers, c’est Moi qu’il aura visité. Celui qui a vêtu celui qui était nu, c’est Moi qu’il aura visité ». Autrement dit pour que nous soyons « prochain » dans un cas comme dans l’autre il faut que nous nous en référions au Christ ; dans tous les cas de figures, nous devons essayer de comprendre que nous avons quelque chose à donner à l’autre de la part du Christ, soit en reconnaissant l’amour de l’autre qui panse mes plaies, soit en pansant les plaies de celui qui en a besoin. Dans les deux cas, si nous le faisons dans l’esprit du Christ en pensant que celui qui est en face de moi devient signe du Christ, quel que soit celui qui est en face de moi, celui qui souffre, comme celui qui soulage ; cela engage donc notre responsabilité de « distributeur » d’amour ; nous devons être reconnaissants à celui ou celle qui apaise nos plaies quelles qu’elles soient : morales, physiques, spirituelles, psychiques et nous devons l’aimer comme notre propre prochain qui est venu de la part du Christ pour nous soulager. Et puis nous devons aussi soulager celui ou celle qui est atteint par quelques plaies en sachant que c’est le Christ que l’on soulage. Cela veut dire que nous avons une belle vocation en tant que chrétien, une responsabilité que le Seigneur nous offre, la responsabilité de l’amour et c’est difficile ; c’est cela le problème c’est que c’est difficile d’aimer. Le Seigneur nous le dit : aimer ses amis c’est facile mais il va jusqu’à nous dire : aimez vos ennemis et cela c’est le plus difficile de tout, sans la grâce c’est même impossible et pourtant le Seigneur nous y invite. Si nous sommes invités à l’amour nous devons essayer de chercher comment nous pouvons répondre à cette invitation et puisque nous sommes entrés dans cette belle période de carême qui précède la fête de Noël de l’incarnation, c’est peut-être le temps de nous interroger, de nous examiner devant Dieu et avec Dieu, pas tout seul, pas de manière psychologique mais d’une manière vraiment spirituelle, avec l’éclairage de l’Esprit-Saint, pour nous demander où nous en sommes par rapport à l’amour car Celui que nous fêterons dans une quarantaine de jours c’est Celui qui aime et qui aime tellement qu’Il s’abaisse, qu’Il s’abandonne totalement à la volonté du Père et, mû par l’Esprit, Il vient au milieu de nous devenir ce qu’il y a de plus fragile sur terre, un petit enfant, né dans des conditions – il faut bien l’avouer – peu reluisantes. Voilà comment Dieu se manifeste dans son amour, comment en quelque sorte il devient – et le mot est inadéquat – notre prochain. Il est notre Prochain par excellence avec un P majuscule : Il est Celui qui est le plus proche de nous alors nous pouvons Le rencontrer dans un grand nombre d’occasions : dans notre famille, dans notre communauté, dans notre paroisse, dans la rue, en faisant nos courses, en prenant les transports publics, peu importe mais ce qui est important c’est d’ouvrir les yeux, ouvrir les yeux dans un acte d’amour, ouvrir les yeux en se disant : qu'est-ce que j’ai à faire ? Est-ce que je dois crier pour que l’on vienne à mon secours si je suis dans la souffrance, dans le malheur ; dans la douleur pour que quelqu'un vienne et que je sois son prochain et puis qu’il devienne à son tour mon prochain puisqu’il m’aura soulagé ? Ou bien suis-je dans la situation inverse : je soulagerai celui qui est à côté de moi pour le moment et qui a besoin de mon secours d’une manière ou d’une autre ?  Il y a trente-six manières d’aimer et cela doit nous consoler parce que chacun prendra la manière qui lui correspond pour le mieux, sur le moment. Nous le savons tous, il est difficile de vivre ensemble parce que nous sommes tous différents et nous avançons tous à des rythmes  différents ; nous rencontrons des difficultés, des souffrances, des impossibilités même à certains moments mais c’est justement sur ces terrains-là, le terrain du vivre-ensemble, que nous avons à réfléchir mais surtout à agir en priant, bien sûr, en demandant le secours de Dieu pour aimer, pour aimer celui ou celle qui est venu nous soulager, pour soulager celui ou celle qui a besoin d’être soulagés ; par la prière, peut-être, c’est un moyen qui est toujours à notre disposition, la prière ; c’est un acte d’amour mais c’est aussi un cri : « Seigneur viens à mon secours, hâte-toi de me secourir » dit le psalmiste et le Seigneur vient en devenant notre prochain, le plus proche ; c’est Lui le plus proche ; c’est Lui qui est là pour nous aider à aimer ou à demander de l’amour. Alors oui, notre vocation de chrétien est belle, l’Eglise devient belle à cause de cela, si nous vivons cela ; nous sommes responsables de notre vie en Eglise, chacun, personnellement ; ce ne sont pas les autres qui sont responsables, c’est moi. C’est en moi que commence une guerre, une dispute, un conflit, un jugement, une erreur. Alors si je corrige en moi cette attitude Dieu va me donner la possibilité de changer et d’avoir une attitude d’amour envers mon frère, envers ma sœur et non pas une attitude de domination, de jugement, de rejet, toutes ces choses que nous connaissons bien malheureusement. Alors oui, notre vocation de chrétien est belle et si nous y correspondons – et nous pouvons, puisque la grâce existe – si nous y correspondons alors l’Eglise devient belle et la beauté c’est le reflet de Dieu.
. Amen


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