Monastère Saint Silouane

Conférence du Père Archimandrite Syméon au XIVe Congrès Orthodoxe en Europe occidentale, Strasbourg, mai 2012

Conférence du Père Archimandrite Syméon au XIVe Congrès Orthodoxe en Europe occidentale, Strasbourg, mai 2012
« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »


C’est par cette affirmation du Christ à l’apôtre Thomas, que j’aime commencer l’ ébauche d’une réflexion sur le thème de notre échange : « La vérité et la liberté dans l’Église ».

Depuis la nuit des temps beaucoup d’hommes et de femmes, des scientifiques, des philosophes, des chercheurs et encore bien d’autres se posent cette question : « Qu’est-ce que la vérité ? » Pilate, qui n’avait pas compris qui était ce Jésus qui comparaissait devant lui aura la même interrogation.

Puisqu’il nous faut réfléchir à cette question dans le cadre de la vie de l’Église, en tant que chrétien, notre interrogation sera : « Qui est la Vérité ? » et non « Qu’est -ce que la vérité ? » et, bien sûr, nous avons la réponse puisqu’Il le dit lui-même : Jésus est la Vérité. Notons que le Seigneur dit : « Je suis la Vérité et la Vie » car, en effet, comme l’écrit l’archimandrite Sophrony : la Vérité n’est pas une formule ou une idée abstraite mais la Vie en Soi : “Je suis Celui qui suis” »… (Starets Silouane page 107). Nous le savons bien, le christianisme n’est pas une philosophie, ce n’est pas une doctrine mais c’est une vie ! Une expérience de vie, une rencontre fondamentale avec le Christ Jésus, Dieu incarné, mort et ressuscité pour nous !
Je parle de rencontre et, particulièrement, d’une rencontre personnelle qui va donner un sens à notre vie : c’est ce qui s’est passé pour les apôtres, les disciples et tous ceux qui ont suivi Jésus. Il y avait chez eux une attente, un désir, une soif…, et c’est le Seigneur qui va vers eux pour leur annoncer la Bonne Nouvelle du salut. Remarquons que pour tous la rencontre a été particulière, et dans le respect de chacune de leur personne. Il en sera ainsi avec tous ceux que le Seigneur approchera, comme il en est de même avec chacun d’entre nous. Le Christ nous aborde toujours tels que nous sommes, Il n’attend pas que nous soyons parfaits mais puisqu’Il est la Vérité, Il va nous apprendre à être vrai devant Lui. Comme la Samaritaine au puits de Jacob, Il va nous amener à regarder en face nos faiblesses, nos misères, nos péchés. Mais nous ne pouvons vivre cette expérience qu’éclairé par « Celui qui est », Celui qui est la Vérité, Celui qui est la Vie et qui nous dira aussi qu’Il est la Lumière venue en ce monde pour éclairer nos âmes et nos cœurs.

Je veux insister sur l’importance d’une relation de personne (nous-mêmes) à Personne (le Christ). Il s’agit là d’une expérience vitale pour chacun des membres qui constituent l’Église. Vivre la Vérité dans l’Église, c’est accueillir cette grâce de la rencontre unique et personnelle avec le Sauveur.
Je veux insister sur l’importance d’une relation de personne (nous-mêmes) à Personne (le Christ). Il s’agit là d’une expérience vitale pour chacun des membres qui constituent l’Église. Vivre la Vérité dans l’Église, c’est accueillir cette grâce de la rencontre unique et personnelle avec le Sauveur.
Certes le monde dans lequel nous vivons n’est pas toujours facile, comporte bien des pièges, et les chrétiens se demandent souvent comment témoigner de la Vérité. En fait nous devons rester simples et humbles. Si la Vérité qu’est le Christ nous a permis de voir que nous sommes aimés de Dieu, quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, et si cette expérience se renouvelle autant que nécessaire, nous n’avons pas à en tirer gloire ! Restons dans l’attitude du publicain. Quelle que soit la fonction ou le rôle de chacun dans l’Église, nous devons les vivre dans un esprit de service. Pourquoi ? Parce que le Seigneur s’est fait serviteur au milieu de tous. Celui qui dit « Je suis la Vérité » s’est ceint d’un linge et a lavé les pieds de ses disciples… Celui qui dit : « Je suis la Vérité » a mangé avec les pauvres, les ivrognes, les prostituées… Celui qui a dit : « Je suis la Vérité » n’a pas condamné la femme adultère mais l’a invitée avec douceur et amour à ne plus pécher ; Il a aussi touché le cœur de Zachée.

Vivre la Vérité dans l’Église c’est donc aussi rejeter toute attitude de pouvoir et de domination, c’est refuser d’être sentencieux et moralisateur. Nous ne sommes pas dans l’Église pour rédiger des lois culpabilisatrices, voire pour s’exprimer ex cathedra, en rejetant telle ou telle catégorie de personnes. Nous avons tout à gagner à apprendre à n’être ni des laxistes ni des juges qui condamnent, mais à chercher comment aimer en vérité !

Car Celui qui est la Vérité est aussi Amour et nous savons comment le Seigneur a manifesté cet amour. Vivre du Christ, vivre de la Vérité dans l’Église, c’est aussi vivre de l’Amour et tenter d’en devenir l’icône. Nous avons certainement tous été bénéficiaires, un jour ou l’autre, de cet amour humble et doux, que peuvent refléter certains êtres qui captent l’amour de Dieu et qui l’offrent à ceux qui les entourent.
J’ai eu la chance de vivre cette expérience : il y a quelques années le patriarche Pavle de Serbie est venu à Paris et, pour des raisons que j’ignore, j’avais été invité à concélébrer avec lui à la cathédrale serbe. Son entrée dans l’église avait suffit pour illuminer le cœur de chacun : dans la totale sobriété de son habit noir de moine, il nous fit vénérer la croix qu’on lui avait présentée, puis il récita les prières de préparation habituelles ; après quoi, humblement et sans l’aide d’aucun diacre ou servant, il revêtit ses habits épiscopaux dans une simplicité édifiante à laquelle nous sommes peu habitués… Toute la liturgie s’est déroulée dans le même esprit : amour et vérité se rencontraient ! Par son attitude, ce saint homme nous attirait dans une prière profonde et nous invitait à goûter à l’Amour de Dieu dans un abandon apaisant. A la fin du service, je m’approchai de lui pour le remercier de m’ avoir permis de partager ce beau moment. Avec un regard vif et plein de douceur il me répondit : « Nous avons réalisé ensemble l’unique nécessaire. » Oui c’était bien l’unique nécessaire qui m’avait été offert : vivre avec le Christ Vérité, Vie et Amour. Cela se passait alors que la Serbie était en pleine guerre : ce grand patriarche, contre vents et marées, nous appelait tous à vivre dans l’amour malgré l’impossible apparence…
Au travers d’expériences de ce genre, nous sommes amenés à accueillir une certaine évidence de l’amour, quelque chose qui attire l’attention, le regard, le cœur : ce que nous vivons est bien l’écho de tout ce que Jésus, la Vérité et l’Amour incarnés, nous a offert par sa vie et son enseignement.

J’ai remarqué que, souvent, ceux qui deviennent des reflets de la beauté de Dieu, et qui réjouissent nos cœurs et nos âmes, sont des êtres libres. Ils deviennent à leur insu les témoins de la parole du Seigneur : « La Vérité vous rendra libres » rapportée par saint Jean (Jn 8, 32).
La liberté à laquelle je fais allusion peut sembler être une liberté extérieure par rapport aux rites, aux coutumes, aux diverses traditions ecclésiales. Le patriarche Pavle pouvait se libérer aisément du faste byzantin. Il pouvait aussi l’utiliser. L’ archimandrite Sophrony a simplifié très librement la manière de prier dans son monastère, en Angleterre. Saint Jean Maximovitch s’habillait très pauvrement et marchait souvent pieds nus, etc. Mais ce n’est pas de cette liberté dont il nous faut parler, même si celle-ci peut découler de celle-là.
Très fréquemment les hommes pensent qu’être libre, c’est pouvoir faire ce que l’on veut, donner satisfaction à tous nos désirs sans contraintes, et si l’on veut bien être honnête, nous savons où tout cela mène : à un esclavage encore plus grand…


Qu’est-ce donc que cette liberté et, plus particulièrement, comment vivre librement dans l’Église ?


Etant donné que le Seigneur Jésus nous a dit : « Je suis la Vérité », puis : « la Vérité vous rendra libres », nous pouvons en conclure que c’est Lui, le Christ qui nous libère ! Mais de quoi sommes-nous libérés ? Nous sommes libérés de l’ esclavage du péché !
Comme Mgr Kallistos l’écrit dans son ouvrage « L’île au delà du monde » : « pécher c’est perdre le sens de la direction, dévier du bon chemin, c’est un écart par rapport à la voie droite (…) le péché est donc à envisager non pas d’abord en termes juridiques, comme la transgression d’un code moral mais c’est un manque d’ humanité authentique, une perte de relation, c’est l’isolement par rapport à Dieu et à nos semblables : c’est l’absence de communion… »
La première liberté c’est celle du libre arbitre, mais c’est une liberté à risques car elle peut nous entraîner à choisir le mal ; la seconde liberté sera celle qui nous relie à Dieu et nous donne de faire l’expérience de la communion avec lui.
Mgr Kallistos nous éclaire encore davantage sur le sujet en poursuivant ainsi : « En plus de la distorsion produite à l’intérieur de nous par nos propres péchés, nous sommes tous impliqués depuis notre naissance dans une condition déchue, qui est non seulement grevée de grandes conséquences physiques, mais aussi marquée par la faiblesse de la volonté. Telle est la situation fâcheuse dont le Christ Sauveur nous délivre. »


Vivre la liberté dans l’Église consiste donc à accepter d’être sauvé par le Seigneur dans l’exercice de la foi. C’est exactement ce qui est exprimé dans l’icône de la descente aux Enfers que nous vénérons à Pâques. Nous y voyons, d’une part, Adam et Ève, qui cherchent à sortir des ténèbres et, simultanément, le Christ qui se penche vers eux et leur prend la main pour les mettre debout dans sa Lumière ! Cet événement vient accomplir tout le mystère du salut : en s’incarnant le Seigneur partage notre nature et les conséquences du péché et Il nous rend capable de participer à sa propre nature. En Jésus Christ Sauveur la compénétration des deux natures permet la délivrance de l’homme, l’union à Dieu, ce que nos pères nomment la déification !
Vivre la liberté dans l’Église s’est aussi chercher à accomplir les commandements du Seigneur. C’est en désirant aimer Dieu et aimer son prochain, voire son ennemi, que nous entrons sur le chemin de la liberté. Tous les hommes de la terre veulent vivre la liberté mais encore faut-il aller la chercher là où elle se trouve. Voici ce que dit saint Silouane l’Athonite à ce sujet : « Moi aussi je désire la liberté et je la cherche jour et nuit. J’ai compris qu’elle est auprès de Dieu. Dieu la donne à ceux qui ont le cœur humble, qui se sont repentis et qui ont retranché leur volonté propre devant Lui… »
Effectivement, ce que Silouane veut nous dire, c’est que nous devons être dans une tension d’amour, un désir profond de nous rapprocher du Christ en l’aimant et en suivant ses commandements. Ceci nécessite un humble repentir face à nos faiblesses ainsi que l’abandon de toute volonté égoïste. Il y a plusieurs années, j’ai connu un archevêque qui m’a montré ce qu’est la liberté dans l’Église : il était mon supérieur. Un jour il m’a convoqué dans son bureau pour me reprocher une erreur. Après quelques échanges, il s’est aperçu que j’étais innocent de cette faute et, à ma grande surprise, il s’est prosterné au sol devant moi pour me demander pardon : c’est ainsi que Dieu m’a fait comprendre ce qu’est la vraie liberté dans l’Église : en un instant j’ai reçu l’amour de cet évêque comme une grande visite de Dieu… et j’ai accueilli cet acte de liberté avec beaucoup de joie ! Si je vous raconte cette histoire, c’est pour vous montrer comment liberté et amour sont interdépendants et comment ils nous apportent la joie dans l’âme …

Il convient aussi de souligner que la liberté, telle que Dieu nous l’offre, nous mène à la vraie vie, la vie selon l’Esprit Saint, la vie spirituelle. En fait, l’Esprit nous propose la liberté, et c’est dans la liberté que nous recevons la Vie, que nous devenons des disciples du Christ, des hommes et des femmes libres, que les menaces n’effraient pas, que l’argent n’achète pas, que les préjugés, les habitudes et les passions n’ enchaînent pas. Comme le déclare le père Cyrille Argenti : nous devenons alors des personnes, dont la conduite n’est pas dictée par une morale de groupe ou un conformisme social, mais par la parole de Dieu librement accueillie et acceptée…
L’importance de la liberté apparaît très particulièrement au travers de l’expérience que la Mère de Dieu fit le jour de l’Annonciation. Voici comment s’exprime Mgr Kallistos : « Elle est, après son fils, le Christ, le modèle suprême et l’Icône de la véritable humanité. » Lorsque l’ange annonce à Marie le projet divin, elle est libre de dire non et elle pourrait justifier son refus. Mais face à cette mystérieuse intervention, elle choisit la liberté et répond à l’ange : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1, 38). Elle s’abandonne entre les mains du Créateur et devient le modèle, la référence, quant à la juste attitude de liberté dont nous devons faire l’acquisition. Nous comprenons bien que c’est Dieu qui a l’initiative au travers de la proposition angélique, mais il est clair que l’adhésion libre de la Vierge est nécessaire pour qu’ainsi « notre salut commence ». Il est bon que nous retenions l’attitude de Marie qui, n’entrant pas dans une discussion comme nous le ferions probablement, accepte le projet divin. Elle va même jusqu’à dire sa joie en s’exclamant : « Mon âme exalte le Seigneur et mon esprit tressaille de joie, en Dieu, mon Sauveur », etc.

Au travers de l’expérience de la liberté que fait la Mère de Dieu nous comprenons mieux l’interaction entre la libre volonté et la grâce : entre le don gratuit de Dieu et le libre acquiescement de l’homme… C’est ce que nos pères ont appelés la « synergie ». Saint Grégoire de Nazianze exprime ainsi cette réalité lors d’un sermon sur le baptême : « Le pardon que tu as obtenu gratuitement, garde-le par ta vigilance. Car si la grâce du pardon t’est venue comme un don de Dieu, garder cette grâce dépend aussi de toi. »
En vous présentant ces quelques réflexions sur la Vérité et la liberté dans l’Église, j’ai bien conscience de n’avoir abordé qu’une infime partie de ce qui aurait pu être dit sur ce sujet, et j’espère que les autres intervenants pourront nous éclairer plus savamment et répondre à nos diverses interrogations.
Avant de conclure mon intervention, j’aimerais vous citer une réflexion de Saint Justin de Tchélié (Popovitch) qui illustre bien la particularité du christianisme quant à la Vérité dans l’Église. Voici ce qu’il dit :

« Avant le Christ les hommes pouvaient seulement faire des hypothèses a propos de la vérité puisqu’ils ne la possédaient pas. avec le christ comme divin logos incarné, la vérité éternellement divine et complète, entre dans le monde. pour cette raison, l’évangile dit : « la vérité est venue par Jésus-Christ ».

Une autre citation de l’archimandrite Sophrony, commentant une pensée de saint Silouane, peut nous aider à comprendre ce qu’est la Liberté chrétienne :

« Les hommes cherchent leur propre liberté, c’est-à-dire hors de Dieu, hors de la vraie vie, là ou elle n’est pas et ne peut pas être, là ou sont les ténèbres extérieures du néant ; car la liberté n’existe que là où il n’y a pas de mort et où se trouve la véritable vie éternelle, c’est-à-dire en Dieu ! »


Il est fréquent d’entendre dire que dans l’Église orthodoxe nous « possédons » la Vérité. Cette formule me semble inadéquate : on ne possède pas la Vérité comme on possède un compte en banque ou une propriété en Normandie. Il serait plus correct de dire, me semble-t-il, que puisque nous savons que le Christ « est » la Vérité, nous nous efforçons de vivre en conformité avec son enseignement et ses commandements, par le bénéfice de la grâce du Saint Esprit. Et c’est cette tension vers la Vérité qu’est la Personne du Christ qui faisait dire au staretz Sophrony : « on ne vit pas en chrétien, on meurt en chrétien… »
De la même manière, il est de coutume de proclamer que l’Orthodoxie c’est la Liberté ! Je suis assez d’accord avec cette expression, mais à condition de bien préciser que l’on entend par « orthodoxie » la « voie droite », c’est-à-dire celle que nous enseigne le Christ par ses commandements, et au travers de laquelle, là aussi, nous tendons à vivre pleinement dans la Liberté, là où elle se trouve, à savoir auprès de Dieu.


En conclusion je ne peux que nous inviter à être attaché à l’Orthodoxie dans la liberté telle qu’elle a été explicitée et par amour de la Vérité. .
Ceci doit entraîner des comportements, des façons de vivre en conformité avec ce que nous croyons et ce que le Christ nous enseigne.
La liberté dans l’Eglise doit nous amener à vivre dans l’unité et la diversité en écho au commandements du Seigneur : « aimez-vous les uns, les autres ».
Unité ne veut pas dire uniformité : l’Eglise n’est pas un régiment .
Nous devons nous réjouir de voir s’exercer les divers dons donnés à chacun par le Saint Esprit et nos pasteurs, notamment nos évêques doivent susciter l’émergence, dans nos communautés, d’hommes et de femmes charismatiques, au sens paulinien du terme, qui participerons à l’édification de la communauté. »
Cette construction de l’Eglise, toujours en mouvement, doit être vécue dans la liberté selon Dieu , dans une tension permanente et saine de tous les fidèles vers la Vérité, vers l’Amour.
L’unité dans la diversité trouve son modèle dans la Sainte Trinité : un seul Dieu en trois personnes dont Saint André, l’iconographe nous offre la vénération au travers de sa célèbre icône.
Comme le dit le Père Cyrille Argenti:

« Chaque communauté, chaque église locale à ses dons propres, sa culture propre qui participe à l’enrichissement et à l’édification de l’Eglise toute entière. Voyez la subtilité et la rigueur de la pensée théologique des Pères grecs, la profondeur spirituelle et les fulgurantes intuitions des moines russes, la joyeuse convivialité et la chaleureuse hospitalité des Eglises arabes, la clarté et la lucidité des orthodoxes français le recueillement et le sens de la prière des russes… Cette diversité enrichissante, grâce à laquelle chacun à besoin des autres, contribue à l’unité de l’Eglise » dans la mesure où tout est vécu selon la LIBERTÉ que le Christ, VÉRITÉ, nous offre. La Vérité c’est quelqu’un, Celui qui a dit : « Je suis la Vérité » Quelle que soit notre langue ou notre culture , c’est le même visage du Christ qu’éclaire le même Esprit qui luit dans la conscience de tous… »


Une Eglise locale qui s’isolerait des autres, qui croirait détenir seule la vérité sans chercher à se mettre au diapason de la conscience catholique, glisserait petit à petit hors de la communion de l’Eglise.
Une vigilance permanente est nécessaire pour éviter différentes erreurs dans la vie ecclésiale : nos diversités doivent être mise au service exclusif de notre foi et non point au service égoïste de notre « identité » n’oublions pas que ce que l’Evangile nous promet comme étant le royaume de Dieu c’est un endroit où TOUTES les divisions naturelles et culturelles sont transcendées…
Si la richesse des diverses cultures nationales embellit le trésor commun de l’Eglise , ce n’est pas pour autant que nos communautés doivent se transformer en ghettos nationalistes dont l’affirmation orgueilleuse de l’identité est à l’encontre de ce qui est à vivre dans la Vérité et dans la Liberté. A ce sujet il serait bon que le futur concile panorthodoxe réaffirme la condamnation par le concile de Constantinople de 1872 de l’hérésie dénommée « phylétisme » ce poison mortel dont il reste encore trop de traces…


Un autre aspect touchant la Liberté et la Vérité dans l’Eglise est la nécessité de témoigner que le Christ est le libérateur et que le chrétien doit devenir un homme libre au sein d’une société asservie par la soif effrénée de désirs insatiables.
« En particulier, » nous dit encore le Père Cyrille Argenti, « il s’agit de se libérer de cette idole de nos sociétés sécularisées : l’argent, l’obsession de l’argent et de l’enrichissement, but de la vie individuelle et sociale. L’argent, l’argent, l’argent, mesuré, jaugé à son poids en dollars (ou en euros) » . J’ai été choqué au cours d’un voyage récent dans un pays de l’est de constater l’énorme décalage entre la pauvreté des habitants et la richesse de l’Eglise qui n’hésitait pas à demander à des étudiants orthodoxes pauvres une somme exorbitante pour utiliser une salle patriarcale en vue d’une conférence spirituelle…Le monde se prosterne devant le Veau d’or mais soyons responsables dans notre quête de liberté et ne permettons pas à nos églises, dont nous sommes membres, une telle idolâtrie…
Il faut aussi parler de la manière dont nous vivons la liberté dans notre chair afin qu’elle aussi témoigne de la beauté de la Vérité qu’est le Christ . Il suffit d’être dans une grande ville quelques instants pour voir combien le corps est sollicité ; est utilisé, est vulgarisé . On en fait un instrument et un modèle aliénant au travers de publicité , d’affiches inconvenantes et la radio et la télévision prennent le relais pour nous raconter les dernières aventures peu édifiantes de tel homme politique ou de tel artiste…Comment pouvons-nous au milieu de tout cela annoncer la parole de Dieu « Vérité et Liberté » en restant conforme à l’esprit de l’évangile ? Je voudrais prendre quelques exemples ,certes limités, mais qui peuvent peut-être nous amener à comprendre quelle doit être notre véritable attitude.
Que dire et que faire face aux jeunes qui de plus en plus fréquemment vivent maritalement sans avoir reçu le sacrement de mariage ? Qu’ils vivent dans le péché ? je ne pense pas que ce soit la bonne solution, peut-être leur expliquer sans jugement qu’ils se privent d’une grâce mais que le moment venu ils pourront toujours la recevoir. Et puis peut-être convient-il de comprendre que certains jeunes ont peur de s’engager et que cette peur a été souvent nourrie par les exemples peu encourageants que nous leur avons donnés ! En les accueillant et en les guidant avec amour nous pouvons leur apprendre le sens chrétien de la liberté !
Nous devons tout faire pour ne pas juger, ne pas condamner, pour ne pas mépriser et surtout pour ne pas introduire le sentiment de culpabilité dans le cœur de celui ou celle qui est en face de nous et qui attends d’être accueilli !
Refusons catégoriquement toute attitude moralisatrice qui n’apporte que sentiment de rejet et qui exclut toute tentative de compréhension et d’amour !
Il y a encore aujourd’hui bien des choses que nous ne comprenons pas : tout ce qui relève de la sexualité est complexe : personne ne peut le nier et beaucoup de prêtres sont confrontés à des situations difficiles face à ceux qui viennent déposer leur souffrance devant eux.
Alors que faut-il faire pour être de véritables témoins de la Vérité et de la Liberté selon le Christ ?
Commençons peut-être par être humble, ne nous positionnons pas comme des censeurs. Essayons de faire comprendre ce qu’est l’amour ou ce qu’il n’est pas. Qu’il n’est pas bon d’utiliser l’autre comme un instrument de plaisir ; on peut aborder la question de l’intégrité, voir de l’abstinence, mais pas sous forme d’obligation systématique mais comme un choix possible en envisager dans la liberté. Si l’on a cherché à aimer et comprendre la souffrance de ceux qui nous interpellent,on aura été bien proche de ce que le Christ aurait fait à notre place. Si l’on a encouragé à éviter le péché , en précisant notamment que ce n’est pas la sexualité qui est un péché mais ce que l’on en fait, on aura agi en pasteur ou en frère dans la liberté et selon la Vérité qu’est le Christ !
Il me semble que les différents responsables spirituels ( laïcs, diacres, prêtres, évêques) devraient provoquer des rencontres pastorales pour traiter de toutes les nouvelles questions éthiques. Non pas pour rédiger des lois et des enseignements ex-cathedra mais pour chercher ensemble à avoir une approche évangélique de ces différentes questions qui touchent ceux qui nous entourent.


Il conviendrait encore de parler de l’annonce de l’évangile aux jeunes (et moins jeunes) qui se droguent en utilisant toutes sortes de stupéfiants er d’alcools. Nous en arriverions aux mêmes conclusions que précédemment : pas de jugements inutiles, pas de condamnations irrespectueuses mais écoute de celui ou celle que la souffrance du manque d’amour à entraîné dans ces fausses issues : encore une fois , vivre la Vérité et la Liberté sera de faire comprendre à ceux qui sont dans ces situations qu’ils sont aimés de Dieu et de nous autant que nous le pouvons, leur dire que jamais le Christ ne les rejettera et que toute sa miséricorde leur est accordée même s’ils rechutent…Que Jésus n’est pas venu pour ceux qui se croient forts mais pour ceux qui se savent faibles..


Au travers de tout ce qu’est j’ai dit la tâche peut paraître ardue mais ne nous y trompons pas : c’est le Seigneur qui bâtit la maison et notre rôle est d’être ses instruments : construire l’Eglise demande la vie entière . Cependant le temps ne suffit pas il faut que nous apprenions à être libre et ainsi à entrer en communion avec la Vérité qu’est le Christ. Notre conscience doit être tendue vers le salut qui n’est autre que le Dieu d’Amour qui s’offre en plénitude.
Réveillons nos cœurs et soyons dans l’allégresse ! La tradition Orthodoxe est tellement stupéfiante qu’on a jamais fini de la découvrir.
LA VÉRITÉ NOUS RENDRA LIBRES !

+ Syméon
archimandrite

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