Homélie de Mgr Elisée. Les trois vertus de la femme Cananéenne
Monastère Saint Silouane
St Matthieu XV, 21-28
14 janvier 2024
Chers Mères, frères et sœurs !
L’Évangile de ce jour met en lumière trois vertus de la femme Cananéenne, à savoir sa forte foi, sa profonde humilité et sa prière persévérante, toutes les trois ancrées dans son amour de mère qui s'identifie complètement avec la souffrance de sa fille tourmentée par les démons. Mais ce que nous découvrons aussi dans ce passage d’Évangile est surtout une catéchèse sur la prière.
Ce récit préfigure l’annonce de la Bonne Nouvelle du Salut aux païens. Alors que cette femme, qui n’est pas juive, s’exclame : « Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David » (Mt 15,22). En disant ‘Fils de David’, elle reconnaît que le Salut vient des Juifs. Mais si elle s’adresse au Messie d’Israël, elle, une païenne, c’est qu’elle croit qu’Il est aussi le Messie de tous les hommes.
Les disciples demandent à Jésus de faire quelque chose car ils n’en peuvent plus d’être poursuivis par les cris de cette femme. Et Jésus répond favorablement à cette demande. Il leur montre ainsi la mission qu’ils devront accomplir : Ils sont là pour conduire toutes les nations, même païennes, vers Lui, le Christ. Bien sûr, leur motivation n’est pas encore parfaite car ils agissent sur le moment du fait de leur agacement relativement aux cris de la femme. Cela nous montre aussi que le Seigneur n’attend pas que nous soyons parfaits pour accueillir nos prières.
Parfois, nous pouvons nous sentir indignes de poser des actes au nom du Christ, parce que nous avons conscience de nos limites, de nos péchés. Mais les Apôtres eux-mêmes ne sont pas parfaits et pourtant le Seigneur les envoie et leur donne de porter du fruit. Il en est de même pour nous. N’attendons pas d’être parfaits avant de commencer à prêcher par notre vie la Grâce de Dieu pour les hommes. Le Seigneur utilise des serviteurs imparfaits pour répandre son message de Paix et de Salut ; et cela ne doit que nous encourager et nous motiver !
À ce stade, force est de constater que la Cananéenne, cette mère affligée, devient un maître spirituel pour toutes les personnes de foi et pour l'Église. Son cri : "Dieu, aie-pitié de moi" est devenu la prière de l’Église ; la prière la plus concise que l'Église puisse avoir : "Seigneur, aie-pitié", Kyrie eleison ! Cette prière inclut tout l'amour miséricordieux, la compassion de Dieu qui est l'amour humble et fidèle pour les hommes.
Après avoir montré aux disciples le poids de leur intercession, nous les avons vus intercéder pour la Cananéenne, le Christ, par un dialogue avec elle, met en lumière la disposition intérieure de foi de cette femme en lui disant : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël » (Mt 15,24). Comme elle insiste, Jésus lui dit alors : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens » (Mt 15,26). La Cananéenne lui répond : « C’est vrai, Seigneur, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table du maître » (Mt 15,27). Ces paroles nous révèlent l’attitude intérieure qui doit accompagner toute prière d’intercession. D’une part, la Cananéenne reconnaît en la personne de Jésus le maître, le Messie d’Israël. Elle professe sa foi.
L’intercession commence donc par reconnaître qui est Dieu, dans son Amour et dans sa Toute Puissance. D’autre part, elle réitère sa demande par l’affirmation que rien ne lui est dû. C’est pourquoi la Cananéenne pose un acte d’humilité en comparant son attitude à celle d’un petit chien. Croire que Dieu peut tout sans rien réclamer comme un dû est la clé de toute intercession. C’est avant tout un acte de confiance en l’Amour Miséricordieux du Seigneur.
Peut-être que quelqu'un d'autre aurait été offensé en entendant les mots du Sauveur : "Ce n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens", mais cette femme avait un unique but, peu importe comment on la considérait, ce qu'elle voulait c'est que sa fille tourmentée par les démons guérisse. En raison de son humilité ancrée dans son amour et son chagrin, elle a accepté d'être comparée aux chiens, mais nous voyons que cette humilité est une source de sagesse et de courage aussi. L’humilité n'est pas de la lâcheté, mais la connaissance et l’acceptation de ses propres limites, associée à l'espoir et à la confiance en l'aide de Dieu ; cela a permis à la Cananéenne de répondre : "C'est vrai, Seigneur, d'ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres".
En voyant ses qualités, le Christ, notre Sauveur loue ses paroles : "Ô femme, grande est ta foi, qu'il t'advienne ce que tu veux !" Ces liens étroits entre la foi vivante, l’humilité authentique et la grande patience et persévérance dans la prière deviennent alors une leçon vivante, pour chacun d’entre nous.
L'Évangile nous montre l'importance de la prière non seulement pour nous, mais aussi pour les autres, et plus particulièrement pour ceux qui ne savent pas prier, ne prient pas, ou ne peuvent plus prier…
Tourmentés par de mauvais esprits, nombreux sont ceux, malades physiquement ou mentalement, qui ne peuvent plus prier pour eux-mêmes ; c'est pourquoi les fidèles : la mère, le père, l'ami, le frère ou la sœur qui ont une grande foi sont très précieux ; pour qu'en raison de leur foi, Dieu guérisse celui qui désormais ne peut pas prier pour lui-même. Puisse l’intercession de la Cananéenne nous guider et nous fortifier en ce sens !
Amen !