Texte sur la paternité spirituelle
Le Père Sophrony dans son commentaire sur les enseignements de Saint Silouane note que: Le Staretz aimait à dire: "Il est bon de chercher en tout temps et en toutes circonstances à être éclairé par Dieu pour savoir comment il faut agir et ce qu'il faut dire. En d'autres termes, on doit en toutes circonstances chercher à connaître la volonté de Dieu et les voies permettant de l'accomplir". Cette parole sainte semble en pleine conformité avec l'interrogation bien connue de la tradition patristique: " Abba, dis-moi une parole. ”
Au IVe siècle, dans le désert de Scété, il était coutume d’aller voir un ancien pour lui demander un conseil spirituel dans le but d'accomplir la volonté de Dieu. L’une des spécificité de l’orthodoxie est d’avoir conservé cette tradition vivante. La place du père spirituel y est non seulement légitime, mais considérée comme tout à fait indispensable. Car la personne est tellement unique et multiple qu’elle ne trouve pas toujours ,là où elle vit son quotidien spirituel, exactement ou complètement ce qui convient à son être profond. Elle peut avoir besoin d’autre chose pour être pleinement satisfaite, et c’est au travers d’un père spirituel - qui va l’accueillir dans sa singularité devant Dieu, la mettre en relation vivante avec Dieu - qu’elle pourra trouver équilibre et plénitude.
C’est une grande bénédiction pour l’Église orthodoxe d’avoir su garder cet équilibre entre une vie ecclésiale nécessaire et nourrissante - avec les offices liturgiques, les sacrements, la prière personnelle, la prédication, etc. - et ce mouvement des pères spirituels qui, en transcendant l’institution de l’intérieur, permet à l’Église de devenir un ensemble de personnes appartenant à Dieu, vivant de Dieu et constituant chacune un reflet particulier de Dieu. Il ne m'appartient pas de juger ce qui se vit quant au rôle de la paternité spirituelle dans le sein de ce qu'il est convenu d'appeler nos Églises soeurs, mais je suis amené à constater que notre église orthodoxe a su conserver et vivre de ce trésor où viennent puiser aussi ceux qui n'appartiennent pas à la communion orthodoxe je connais une personne a qui il est donné de recevoir des frères et soeurs non orthodoxes qui demandent conseils et prières et il n'est pas le seul a qui cela arrive et je pense souvent que cette quête, ce terrain de rencontre est un terrain de communion non négligeable pour le devenir de l'Église. Nous avons focalisé trop souvent notre désir de réunification sur la possibilité de communier au même calice. Ceci est légitime, mais quelque peu teinté d'impatience .nous avons d'autres lieux de communion et la paternité spirituelle en est peut-être un que le Saint-Esprit nous propose aujourd'hui, à nous d'être des veilleurs. Pour illustrer ce que je viens d'exprimer, je voudrais vous dire ce que l'on peut lire dans une biographie de St Jean de Cronstadt: "Il y a aussi des gens de différentes religions qui s'adressent au Père Jean. Des musulmans, des bouddhistes, et même des juifs demandent sa prière. Ils croient fermement en sa puissance sanctifiante, souvent ils s'approchent en dernier à la fin de la liturgie et demande humblement sa bénédiction. Et Père Jean se renseigne sur leurs malheurs et les bénit, sans en demander plus au sujet de leur religion." Si l’Église est un peu comme un beau bijou composé de plusieurs pierres aux couleurs et aux tailles très variées, le rôle du père spirituel est d’aider chaque pierre à trouver la place qui convient pour que l’ensemble soit à l’image de la beauté divine.
Qui est père spirituel ?
Il faut être bien clair : on ne décide pas soi-même d'être Père spirituel. Personne ne peut mettre sur la porte de sa cellule ou de sa maison : “ Ici, père spirituel ”. En revanche, on peut très bien indiquer : “ Confesseur ”. Il faut donc bien différencier les choses. Il y a le rôle du prêtre qui confesse et bénit de la part de Dieu, permet à celui qui - dans un état d’humilité - est venu dire ses erreurs et ses faiblesses, de se remettre debout devant Dieu ; c’est un service d’Église bien précis, qui nécessite une ordination, une bénédiction spéciale. En revanche, le rôle de père spirituel - ou staretz, en russe - est d’ordre prophétique, charismatique ; il relève directement du travail du Saint-Esprit. Quelqu'un est reconnu comme étant la “ bouche ” et “ l’instrument ” du Saint-Esprit ; ce n’est pas elle-même, mais ceux qui viennent près d’elle, qui font d’une personne un père ou une mère spirituel. À l’inverse de la fonction de confesseur, qui est réservée aux prêtres, tout homme et toute femme, quelles que soient sa condition et sa position dans l’Église, peuvent jouer ce rôle.
Comme le souligne Monseigneur Kallistos:" au sein de la vie continue de la communauté chrétienne, il devient clair au peuple de Dieu - qui est le vrai gardien de la sainte Tradition - que telle personne où telle autre a le don de la paternité ou de la maternité spirituelle. Alors librement et d'une manière informelle les autres commencent à venir à elle pour des conseils ou des instructions. De fait, la règle veut que l'initiative vienne non pas du maître, mais des disciples (...) ainsi ce sont ses enfants spirituels qui révèlent un staretz à lui-même.
Numériquement, il est vrai que les moines ont occupé et occupent encore une place importante dans ce mouvement. Souvent les pères spirituels s’inscrivent dans une filiation qui peut remonter très loin à travers les lignées de saints. Par exemple, le père Sophrony (1896 - 1993) était le disciple de Saint Silouane l’Athonite (1866 - 1938)Père Paissios était le disciple de Saint Arsène de Cappadoce. Il y a toute la lignée des Startzy d'Optino et bien d'autres encore qui se sont transmis leurs charismes à l'image d'Élisée recevant le manteau d'Élie et une double part de son esprit.
Que ces pères spirituels soient renommés ou non n’a qu'une importance relative. L’essentiel n’est pas la personnalité du père spirituel, mais que le Saint-Esprit puisse faire son travail à travers elle. Dans la majorité des cas les pères spirituels ont une expérience de la vie en Dieu qui leur donne une certaine beauté d'âme laquelle va donner envie de rencontrer de tels hommes. Il y a eu et il y a encore de grands startsy, des personnalités imbibées de l'Esprit Saint: je pense à Saint Séraphin de Sarov, à Saint Ignace du Caucase, au staretz Ambroise d'Optino, au Père Sophrony et d'autres encore. Voilà des pères qui avaient une renommée spirituelle. Des gens sont venus du monde entier pour rencontrer le Père Sophrony comme il y avait des gens qui venaient de toute la Russie pour avoir une parole de saint Séraphin: Ce sont des personnalités que Dieu nous donne comme Il nous donne des Saints ce sont des repères, des phares qui nous sont nécessaires, mais il y a aussi tous les autres qui n'ont peut-être pas une renommée aussi grande. Je suis absolument persuadé qu'au Mont Athos, par exemple, il y a des Pères spirituels qui ont une grande influence pour les âmes et qui sont peu connus au-delà de la Sainte Montagne et peut-être même qu'on ne les connaît pas tous en ce saint lieu. Je dirais, peu importe les différents niveaux spirituels pourvu que le Saint-Esprit puisse s'exprimer et nous dynamiser et qu'ainsi les uns et les autres grandissent en Dieu. L’Esprit souffle où Il veut, comme Il veut et quand Il veut. Dans ce sens, quelle que soit son identité religieuse, si quelqu'un en quête sincère de Dieu vient s’adresser à un père spirituel, celui-ci n’a pas le droit de lui fermer sa porte.
Guide des âmes
Abba Poemen, un père du désert du IVe siècle, disait : “ Sois pour tes frères un modèle, pas un législateur ”. Le premier rôle que les gens attendent d’un père spirituel est certainement celui de conseiller, d’accompagnateur, un peu comme un guide de montagne. Cela suppose qu’il ait une expérience de la vie en Dieu, qu’il connaisse les chemins qui mènent au sommet, les embûches, les impasses, les pièges à éviter.
Dans cette perspective, il y a différents styles de paternité spirituelle, qui vont du commandement sans explication (“ Tu dois faire cela ”) à la proposition qui appelle à la liberté et à la responsabilité de l’enfant spirituel. Il ne faut pas opposer ces différents styles ; il se peut en effet que certaines personnes, à certains moments, aient besoin de conseils plus directifs que d’autres personnes ou qu’à d’autres moments de leur existence.
À nouveau, il s’agit pour le père spirituel d’être le canal de l'Esprit Saint. Son conseil ne doit pas venir d’une démarche intellectuelle, de son propre raisonnement logique ou éthique - consistant par exemple à peser le pour et le contre —, mais de l’inspiration que Dieu lui communiquera dans son coeur. Par la prière. Séraphin de Sarov, ce grand Saint russe du siècle passé, sentait très bien cela dans ses entretiens spirituels. Il pouvait couper court à un dialogue en donnant sa bénédiction et disant : “ Maintenant allez, c’est fini. Car si je continue, c’est moi qui parlerai et non plus le Saint-Esprit en moi.
Dans tout cela il ne faut pas oublier que la paternité spirituelle est relation, interaction entre deux personnes. Quand l'enfant spirituel vient vers son père spirituel, il doit s’être préparé à cette entrevue dans la prière ; s’il ne cherche pas Dieu de tout son coeur, si l’orgueil s’est mis à la place de l’abandon ou de l’humilité, s’il vient juste pour recevoir une réponse à caractère humain ou une confirmation de ses projets, qu'est-ce que le père spirituel peut faire, comment peut-il aider la personne à discerner la volonté de Dieu ? Non, pour que cela joue, il faut un désir de Dieu sans conditions.
Dire que la paternité spirituelle est interaction, cela signifie aussi qu’elle est rencontre profonde. Le père spirituel n’a pas affaire à un numéro ou à un individu, mais à une personne irréductiblement unique dans son être, son expérience spirituelle, sa relation avec Dieu, sa situation existentielle ; il est par là même appelé à faire ou à dire ce qu’il y a de plus juste pour elle. À une même question posée par deux personnes, il pourra donc répondre “ noir” à l’une et “ blanc ” à l’autre.
Une forme d’engendrement
Ce qui gêne certaines personnes, dans la paternité spirituelle, c’est que l’on utilise le mot “ père ” alors que le Christ l’a clairement déconseillé. De fait, il y a plusieurs interprétations de cette phrase ; selon moi, le Christ nous met surtout en garde de ne pas faire de nous ou des autres des “ Pères ”, c'est-à-dire de ne pas prendre la place de Dieu ou de ne mettre personne à la place de Dieu le Père. Mais quand on parle de père spirituel avec une lettre minuscule, cela signifie que, par grâce, par détermination divine, une personne a été choisie pour aider autrui à naître à la vie en Dieu, pour le consoler ou mettre sous ses yeux un miroir où il puisse se voir tel qu’il est, nu devant Dieu.
Le père spirituel a, certes, une responsabilité importante, mais il ne faut pas le mettre sur un piédestal et encore moins l’idolâtrer, car ce n’est pas lui, mais le Saint-Esprit qui agit. Il reste donc une personne devant Dieu, avec sa propre quête spirituelle, ses propres souffrances, ses propres péchés, etc.... C'est pourquoi personne ne peut tirer gloire du titre de staretz ou de père spirituel. Celui-ci ne peut qu’être dans la crainte et le tremblement devant Dieu. Dans ce même esprit, il convient de ne pas nommer son Père spirituel devant autrui. On a toujours le droit de dire que l'on a un père spirituel, mais une humble discrétion s'impose .il m'est arrivé de rencontrer des personnes qui citaient le nom de leur Père spirituel comme on cite la marque de la dernière voiture de luxe que l'on vient d'acheter. Un tel comportement entraîne la fuite du Saint-Esprit et risque , s'il y a accoutumance du fait, de vouer à l'échec la relation spirituelle entamée.
Un être de compassion
Parmi les différentes dimensions de la paternité spirituelle, il y en a une qui est plus importante encore que celle de conseiller je veux parler de la compassion. En tant que fruit de l'amour. Celui qui est amené à accompagner un frère ou une soeur doit permettre à l'un et l'autre de découvrir l'amour de Dieu dans sa tendre fermeté. Il faut que l'enfant spirituel expérimente cet amour infini, sans condition, et qu'ainsi il comprenne combien il est aimé de Dieu quelque soit son aventure et la situation qui en découle .Le père spirituel doit ainsi devenir l'icône de la compassion divine , il doit porter dans son coeur son enfant spirituel jusqu’au bout, y compris dans son péché. Ainsi, il peut arriver que le père spirituel discerne que, pour diverses raisons - par pudeur personnelle, insuffisante préparation, incapacité spirituelle, etc. -, l'enfant spirituel n’arrive pas à ouvrir son coeur complètement, à poser paisiblement ses péchés devant Dieu. C’est une situation qui peut être très pénible, douloureuse, mais le père spirituel doit pouvoir aller jusqu’à dire à Dieu : “ Que ses péchés soient déposés sur mes épaules ; c’est moi que tu dois accueillir avec ses fautes ”.
Ce qui fait d’un être un père spirituel, c’est donc d’abord et avant tout sa capacité de prière, d’intercession, de compassion pour l’autre, sa capacité de prendre sur lui les souffrances et les péchés d’autrui face à Dieu. Autrement dit, le péché de l’autre devient mon propre péché, sa souffrance devient ma souffrance. C’est cela que je dois présenter devant Dieu, dans une expérience de componction, de conversion, de larmes, de supplications.
On est là au coeur de l’expérience de la paternité spirituelle qui est aussi le sens profond, ontologique du deuxième commandement : “ Tu aimeras ton prochain comme toi-même ”. C’est certainement la chose la plus terrible à vivre. La plus terrible, car, si on le fait, il faut savoir guetter et accueillir la grâce sans laquelle rien n’est possible, et si on ne le fait pas, on devient responsable devant Dieu de ne pas l’avoir fait. C’est vraiment la croix du père spirituel, la coupe qu’il doit boire jusqu’au bout et qui peut être amère.
De fait, le père spirituel n’a pas le choix. S’il veut vivre en Christ et que le Christ vive en lui, il doit entrer dans la même kénose que Lui, le Verbe fait chair. Mais n’est-ce pas là le travail chrétien par excellence ?
Le Staretz Sophrony rapporte ces propos de Monseigneur Kallistos qui illustre parfaitement ce que j'ai essayé de dire: "Cela concerne le Père Amphilokhios, fondateur et Père spirituel du monastère de l'Evangelismos de Patmos, " Ce staretz aurait dit que le Père spirituel souffre, peine, pleure et prie plus que tous ceux qui viennent à lui: Ce n'est que sous cette condition qu'il peut vraiment servir les gens "
Médiation
Il faut noter encore que le Père spirituel a un rôle de médiateur entre celui qui est venu vers lui et Dieu. Tel Abraham dans son dialogue avec Dieu a propos des gens de Sodome-dialogue typiquement oriental le Père spirituel va devoir discuter avec Dieu pour obtenir telle ou telle grâce pour l'enfant spirituel, il devra harceler le Seigneur à certains moments, sa respectueuse supplication étant nécessaire. Dans ce même esprit, il devra aider à la réconciliation entre Dieu et celui qui s'est égaré. Prenant la parole a la place du fils spirituel il devra pouvoir s'écrier: " je suis une brebis perdue, appelle-moi Oh Sauveur et sauve-moi" ou mieux encore il devra l'amener à prononcer lui même cette sublime supplication tout en intercédant auprès du Seigneur pour qu'Il accueille cette demande jailli du coeur ! la compassion et la prière du père spirituel sont à mes yeux les qualités les plus conséquentes que requière l'accompagnement spirituel. Voici ce que dit Saint-Jean de Cronstadt à ce sujet:" Prie inlassablement pour les autres et la grâce divine réchauffera ton coeur et te fortifiera dans l'amour de Dieu et de ton prochain. Cela je l'ai fréquemment expérimenté. Le Père universel est l'Amour même. Il aime que nous priions de bon gré les uns pour les autres, et il est toujours prêt à nous gratifier pour notre amour mutuel "Le commentateur de la biographie de notre Saint ajoute:" une profonde compassion est à l'origine de l'efficacité de la prière de Père Jean."
Puisque nous parlons de la prière, il faut aussi souligner la nécessité pour l'enfant spirituel de prier plus particulièrement pour celui qui le guide et si possible de se préparer à toute rencontre avec lui par une prière fervente avec foi et humilité.
Il convient de prévoir l'entretien avec le Père spirituel en prenant du temps pour réfléchir aux diverses questions qui seront abordées et la meilleure réflexion se fera par une prière forte devant le Seigneur dans une attitude de confiance et d'abandon après avoir pris ce temps l'enfant spirituel pourra se mettre en marche vers son guide et être sûr de recevoir une parole juste pleine de la sagesse de l'Esprit Saint.
Le Discernement
Il nous faut maintenant aborder la question du discernement. Il s'agit là d'une grâce spécifique: Dans la divine liturgie de saint Jean Chrysostome nous disons cette prière, " accorde-nous de progresser dans la vie, la foi, le discernement spirituel..." preuve que seul le Seigneur peut nous accorder cette grâce. Ainsi, le Père spirituel, mais aussi ceux qui viennent à lui, devront demander sana cesse cette grâce du discernement. Dans l'entretien spirituel, celui ou celle qui doit remplir ce rôle de guide devra se tenir dans une prière intérieure forte pour demander au Seigneur son intervention: la parole qui sera donnée ne doit pas être une parole humaine, mais venir de Dieu par l'intermédiaire de celui qui devient la bouche de l'Esprit Saint. Cette parole peut-être surprenante. Il m'est arrivé il y a quelques années de me rendre au mont Athos avec quelques amis dont l'un d'entre eux souhaitait être guéri d'un mal qui l'accablait. Profitant de l'entretien spirituel que nous avions avec un saint moine de ce haut lieu, le Père Païssios, je me permettais en finale de lui demander de bien vouloir prier pour moi , lui expliquant que j'étais un jeune higoumène et que la tâche ne m'était pas facile .Il me répondit par une phrase que vous me permettrez de ne pas révéler. Elle était surprenante, inattendue, elle aurait dû en principe me blesser non pas à cause de son impertinence, mais de ma faiblesse et elle me fut un baume apaisant ,véritable sacrement de la bonté de Dieu: j'étais en face d'un Père plein de la grâce du discernement. Celui-ci vous le comprenez devient don de l'Esprit Saint accordé, à celui ou celle qui est appelés à accompagner ceux que le Seigneur lui a confiés. Dans ce rôle de discernement, il faut signaler aussi l'importance de l'ouverture du coeur de l'enfant spirituel. Ce dernier devra faire l'effort de livrer ses pensées avec la plus grande liberté possible .Là encore il faudra demander dans la prière le secours de Dieu afin d'être libéré de tout emprisonnement a caractère psychologique et de se livrer en toute liberté à l'action de l'Esprit
Nous pouvons comprendre ainsi qu'il y a une interaction entre le Père et le Fils spirituel et l'Esprit Saint et qu'il est nécessaire pour les deux premiers d'être tendus vers la troisième personne de la Sainte Trinité pour que s'accomplisse cette phrase du Seigneur : "Venez à moi vous tous qui peinez et je vous soulagerais"
Cette rencontre entre le père et l'enfant spirituels est intimement liée à la qualité de relation établie entre les deux personnes. il va de soit que le lien doit être authentique ,ce qui n'empêche pas une progression dans la qualité de relation. Encore une fois ce qui va prévaloir ce sera l'Amour et l'écoute délicate et patiente devra être réelle , il ne doit pas y avoir d'urgence à donner une réponse ,l'important étant d'ouvrir son coeur pour que s'y dépose le vrai questionnement fusse'-il accompagné d'angoisse ou de culpabilité paralysante .encore une fois,on le devine la prière s'impose comme le moyen par excellence pour remplir la tâche selon Dieu .
Disons un mot quant à la différence entre l'entretien spirituel et la confession
Comme je l'ai évoqué au début de cet exposé le rôle du Père spirituel et celui du prêtre qui confesse ne sont pas le même. Il peut arriver que les deux services se trouvent être assurés par la même personne, mais cela n'est pas systématique et encore moins obligatoire. l e rôle fondamental du père spirituel n'est pas d'absoudre les péchés. Ceci est le rôle spécifique du prêtre ordonné à cet effet. Le père spirituel est là pour guider, éclairer, consoler, conforter et dynamiser celui ou celle qui vient pour avancer dans la relation fondamentale qui les relient à Dieu. Vous l'aurez compris je parle du Père spirituel par mode de simplification, mais on peut parler de Mère spirituelle ou de Frère spirituel et dans tous les cas de figures le sacerdoce n'est pas l'élément premier même si dans certains cas le Père spirituel est prêtre ou évêque.
Obéissance
Abordons maintenant la question - TERRIBLE- de l'obéissance au père spirituel! C’est un sujet difficile, mais il importe de le traiter. Avant tout, permettez-moi de citer un texte qui nous est donné par le Staretz Sophrony lui-même et qui donne le ton quant à cette notion de l'obéissance. "Souvenez-vous, nous dit-il, de l'attitude de cet homme très aimé de Dieu, le Père Missaél, qui disait:" si quelqu'un me résiste je cède". En effet il existe un danger pour un Père spirituel et qui consiste à accorder à sa propre parole une valeur absolue et infaillible. Les gens comme le Staretz Silouane ou l'higoumène Missaél ne voulaient pas absolutiser ce qu'ils disaient, mais parlait toujours en gardant la prière en eux-mêmes et cette prière doit être présente en nous pendant toute notre vie. Je crois pouvoir dire qu'obéir au Père spirituel est une évidence qui devrait aller de soi si la confiance au travers du choix initial est maintenue et mieux encore développée.
Le Père spirituel peut-être amené à nous demander de réaliser certaines obéissances qui nous surprennent, mais qui si elles sont conformes à la réalité évangélique ne doivent en aucun cas nous étonner: Tant que ce qui nous est demandé est en conformité avec l'exercice de la foi et le message de nos pères, nous n'avons aucune raison de nous inquiéter. Si par malheur nous n'étions pas sur ce terrain alors notre devoir serait de prendre du recul et de demander secours auprès d'une autre référence spirituelle.
Le Père spirituel peut entraîner son enfant spirituel à un total abandon en l'invitant à réaliser certaines exigences et en lui proposant d'avancer dans cette voie avec la seule certitude que le Seigneur le bénira. Encore une fois si l'enfant spirituel comprend et fait sienne cette proposition il recevra une grande grâce et pourra ainsi grandir dans sa relation avec le Seigneur.
Le Père Sophrony nous rapporte que le Staretz Silouane lui-même aimait la voie qui consiste à demander conseil à son Père spirituel et à lui obéir. Il estimait que l'humble voie de l'obéissance était en général la plus sûre de toutes, Il était fermement persuadé que grâce à la foi de celui qui demande conseil, la réponse du Père spirituel serait toujours bonne, profitable et agréable à Dieu.
" Dans l'esprit de l'obéissant, dit saint Silouane, il n'y a que Dieu et la parole de son staretz ".
Notons ici que le véritable staretz ne devra contraindre en rien son enfant spirituel. C'est essentiellement par l'amour et par conséquent dans une relation de confiance qu'il parviendra à aider celui qui cherche Dieu à avancer sur le chemin de la rencontre.
Pour illustrer ceci, j'aimerais vous lire un extrait des Frères Karamazov que cite l'Evêque Kallistos dans son remarquable ouvrage intitulé "le Royaume intérieur"
"Devant certaines idées,on s'arrête parfois perplexe, surtout à la vue du péché de l'homme et on se demande: faut-il le prendre par la force ou bien par un humble amour? Décide toujours: je le prendrais par un humble amour. Si tu en décides ainsi une fois pour toutes tu pourras conquérir le monde entier. L'humilité dans l'amour est une force prodigieuse, la plus grande de toutes et que rien n'égale "Ce texte qui m'est une référence apaisante résume je crois la véritable attitude de celui qui doit accompagner son frère ou sa soeur sur la belle route de la miséricorde divine.
L'enfant spirituel
Il est peut-être important de se demander qu'elle doit être l'attitude juste de celui qui vient vers le père spirituel. Le père spirituel n'est pas un " deus ex machina " qui va tout résoudre d'une manière spectaculaire et il faut que tous ceux qui demandent son aide comprennent qu'il n'y a rien d'automatique dans le service que doit rendre celui qui est sollicité .La paternité spirituelle consiste à aider une personne à naître en Dieu et à grandir spirituellement. L'enfant doit devenir adulte et toute infantilisation doit être évitée.
Il faut bien comprendre aussi que le Père spirituel n'est pas un distributeur de bénédictions. Une relation juste suppose qu'il contrarie nos projets, nos désirs. La véritable attitude de l'enfant spirituel sera résumé dans un désir profond de Dieu mais sans condition.
Beaucoup d'enfants vont voir leur père spirituel pour cautionner, confirmer ce qu'ils ont déjà décidé de faire avec déjà des questions du genre: est-ce que vous me donnez votre bénédiction pour .... Pour ces gens le bon père spirituel, c'est celui qui dit toujours oui, mais gare au jour ou il dira non il sera alors rejeté et l'enfant spirituel risque de se trouver dans une situation peu confortable qu'au demeurant il aura lui-même provoqué. La rencontre avec le père spirituel demande beaucoup de courage. Le courage de se mettre à nu devant Dieu, de faire surgir , du plus profond de l'être des points de souffrances et de non-liberté, de passion et d'attachement, de blocage de la grâce pour les offrir au christ et à sa grâce libératrice et guérissante.
Peut-être faut-il dire que l'attitude vraie de l'enfant spirituel doit être celle de celui qui s'abandonne dans une confiance totale entre les mains de celui ou celle qui lui a été donné pour réaliser la volonté de Dieu et qui accueillant cette volonté dans une attitude de réelle virilité cherche à la réaliser sans compromis dans un total abandon , conséquence d'une relation profonde avec le Seigneur plein de miséricorde et d'amour pour les hommes comme l'a dit Maxime Egger , à qui je dois beaucoup quant à la réalisation de cet exposé :" la vie spirituelle authentique comporte l'exposition de nos plaies aux rayons thérapeutiques de l'Esprit Saint. Tant que cette exposition , avec la conversion qu'elle suppose, n'a pas lieu, tant que la vie spirituelle reste une manière de fuir ses problèmes profonds et de se réfugier, de se protéger, tant que les conflits intérieurs ne sont pas mis à jour, affrontés et traversés - bien sûr avec et dans le Christ - l'oeuvre thérapeutique et libératrice du Christ ne peut s'effectuer complètement, sa volonté ne peut s'accomplir pleinement.
Il nous faut conclure , c'est me semble-t-il par les paroles de saint silouane qu'il convient d'achever cette réflexion: Voici ce qu'il nous dit: "Les prières d'un père spirituel ont une grande force. J'ai beaucoup souffert de la part des démons à cause de mon orgueil, mais le Seigneur m'a rendu humble et a eu pitié de moi grâce aux prières de mon Père spirituel ; et à présent le Seigneur m'a révélé que le Saint-Esprit repose sur les Pères spirituels et c'est pourquoi j'ai un grand respect pour eux. Par leur prière nous recevons la grâce du Saint-Esprit et la joie dans le Seigneur qui nous aime et qui nous a donné tout ce qui est nécessaire pour le salut de nos âmes.
Il nous dit par ailleurs: "Un Père spirituel doit se réjouir quand le Seigneur conduit vers lui une âme qui veut se repentir; et selon la grâce qui lui a été donnée, il doit soigner cette âme, et pour cela il recevra de Dieu une grande récompense, comme bon pasteur de ses brebis."
Enfin, je terminerais par cet apophtegme de Saint Silouane : " va avec foi chez ton Père spirituel et tu recevras le paradis."
+ SYMEON
Higoumène du Monastère Saint Silouane