Monastère Saint Silouane

Noël 2015

Noël 2015

« Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : vous
trouverez un enfant emmailloté et couché dansune crèche » (Luc, 2.12)


Chers Frères et Soeurs,


En ce jour de Noël « Le soleil de justice a épousé la fille des ténèbres »  (liturgie Syrienne)

Je suis heureux en ce jour de vous souhaiter une très belle fête de la Nativité du Seigneur.
Comme toutes les grandes fêtes c’est un moment important que nous vivons aujourd’hui.
Voici que le Seigneur vient au milieu de nous revêtu de pauvreté, Il choisit pour sa naissance un village obscur dans une région inconnue et Il naît d’une vierge qui est pauvre.
Lui le Créateur de l’univers, le Dieu des dieux, le Tout-Puissant, accepte de se manifester aux yeux des hommes dans un lieu où de pauvres bergers s’abritaient avec leur troupeau : une simple grotte . C’est là que Marie, n’ayant trouvé aucun accueil possible, donne naissance au Roi des rois, au Seigneur des Seigneur.
Comme à Bethléem nous nous réjouissons en entendant les anges nous annoncer « qu’un enfant nous est né, un fils nous est donné » Ce fils, cet enfant , c’est Dieu qui vient nous visiter et pour cela prend notre chair.
Grâce au Bien-aimé du Père qui apparaît sur la terre nous ne sommes plus seuls dans la froideur de notre monde « où ceux qui n’ont pas de pain veulent vivre et ceux qui ont du pain ne savent plus pourquoi vivre ! »
Oui notre monde est froid ! Il veut se réchauffer de chaleurs futiles et bien inutiles. Il veut vivre dans l’artifice dont il découvre, tard, la triste vanité et s’endort recroquevillé sur lui-même , oubliant l’espérance qui frappe à la porte de son cœur !
Ce monde, c’est notre monde : celui où nous vivons tous les jours que Dieu donne !
Où les hommes acceptent de se haïr, de se tuer, voir de tuer les autres au nom de Dieu ! où celui qui a tout passe devant celui qui n’a rien, sans inquiétude aucune…Où le frère pille son frère pour la « gloire » d’être riche fusse de quelques vielles pierres dont à la fin des temps il ne restera rien…
« Paix sur la terre , bienveillance parmi les hommes ! »
En tant que chrétiens que faisons-nous de cette nouvelle proclamée par les anges ?
Comment pourrions-nous annoncer aux autres la joie de Dieu qui vient les sauver sans être attentifs à partager la détresse qui les accable ? Pour apporter aux autres un peu de paix, on ne peut pas faire semblant en se contentant de paroles, il n’est qu’un chemin de vérité, celui de Jésus. Commençons par vivre avec lui notre propre souffrance et nous apprendrons de lui comment être en communion avec celle des autres ? Ce n’est pas du sentiment mais la réalité toute nouvelle qui nous est donnée depuis cette nuit lumineuse : Jésus assume la détresse, les turpitudes et la mort de tous les humains, elles deviennent les siennes  et par lui s’ouvrent sur la vie au lieu de se replier sur la mort. Si nous consentons à être unis à lui, nous partagerons la souffrance des autres d’une manière divine. Obstinons-nous à ne pas bouder la joie débordante de Dieu qui veut se répandre sur tous les hommes et à ne pas fermer les yeux sur la souffrance des innocents. Tenir les deux bouts de ce drame du salut ,cela s’appelle l’espérance ! Elle vient de jaillir en cette nuit et c’est en elle que le monde est sauvé.

« Il nous est né aujourd’hui un Sauveur, qui est le Messie, le Seigneur » (Luc 2,11) «  C‘est Dieu le Seigneur, qui nous illumine ! » (Ps.117,27) non pas sous la forme de Dieu, comme le dit St Basile le Grand, mais sous la forme du serviteur, afin de donner la liberté à ceux qui étaient réduits en servitude. Qui donc a un cœur assez endormi, qui donc est assez ingrat pour ne pas se réjouir, exulter et rayonner devant un tel événement ?...

Tout ceci se passe dans une humilité dont nous avons peut-être peu conscience : C’est lui le Sauveur, c’est lui le Christ, c’est lui le Seigneur mais qu’y a-t-il de remarquable à être emmailloté et couché dans une mangeoire, en quoi consiste donc ce signe ?
Frères et Sœurs, au travers de ce signe, de ce mystère, il nous est donné de comprendre que c’est dans l’humilité que Dieu vient nous rejoindre pour nous sauver. Et, bien mieux encore, nous recevons l’invitation à nous humilier pour rencontrer le Seigneur. Par son exemple Il nous fait comprendre que l’orgueil de l’homme est ébranlé par l’attitude de Dieu qui nous offre de puiser dans sa grande humilité afin d’être sauvé !

Noël c’est le temps de réveiller nos cœurs, de sortir de nos routines, fussent-elles pieuses !
C’est le temps de réveiller l’Espérance et d’en faire vivre nos frères : comme les bergers il nous faut annoncer à tous avec empressement qu’avec Dieu tout peut changer, tout peut être sauvé !
Cette espérance et la joie qui en résulte doivent resplendir par nous ! Car nous sommes responsables de ce que nous recevons !
Si chacun donnait un signe, un vrai ! qui donne la Paix, la vraie ! Celle que le monde ne peut donner..
Si chacun offrait un visage souriant d’amour à son frère qui en est affamé…
Si chacun posait sa main fraîche sur le front fiévreux de l’opprimé…
Si l ‘amour qui est en nous pouvait couler, comme une eau lustrale, lavant toute blessure…
Si le pardon pouvait s’élever au dessus de la colère et de la haine suscitées par ceux qui devraient être appelés frères…

Nous devons vivre cette fête de Noël comme une grâce : celle de la visite de Dieu qui s’abaisse en devenant un petit enfant.  Lui qui est le Verbe de Dieu, le Logos , accepte de ne manifester que quelques vagissements,semblablement à tous les enfants de la terre…Lui qui siège à la droite du Père est déposé sur un pauvre matelas de paille…Lui qui est le créateur du monde se montre à nous dans un corps faible et fragile voulant ainsi partager notre humanité douloureuse…
Alors, oui, nous sommes invités à nous faire tout petit pour vivre de la  vraie joie : celle qui vient de Dieu !
Interrogeons-nous et changeons nos modes de vie !  laissons nos tuniques de peaux pour revêtir la robe de lumière : arrêtons de vouloir toujours dominer notre frère par le discours, par la force, par des démonstrations de puissance. Tout cela est vain ! Que ce soit dans nos familles, dans nos paroisses, dans nos diocèses , dans nos Eglises et dans le monde, stoppons tout discours inconvenant, toute attitude méprisante, toute manifestation de pouvoir et de domination mais devenons des enfants de Dieu, de véritables personnes qui reflètent la beauté du Seigneur dans son humble présence. Ainsi nous deviendrons libres en nous conformant à notre modèle qu’est Jésus, le Sauveur, né dans une crèche ! Notre conduite ne sera plus guidée par une morale de groupe ou un conformisme social, voir ecclésial ! Nous ne chercherons plus à écraser nos frères , démontrant sans cesse que nous sommes les meilleurs…

En conséquence, hâtons-nous vers la crèche du Seigneur, mais autant que nous le pouvons ,préparons-nous à cette approche par la grâce, en élargissant notre cœur, dans une foi vive, avec une conscience libérée de toute entrave orgueilleuse.
Ainsi,en désirant vivre dans l’humilité, constatant nos faiblesses, et en nous déposant aux pieds de l’enfant Dieu tels que nous sommes, dans notre vérité profonde, il nous sera donné de goûter à ce que les anges annoncent aux bergers en cette nuit de Noël : « Paix sur la terre et bienveillance parmi les hommes ! »
Nous devons nous sentir responsables du cadeau de Dieu en cette fête de Noël qui s’actualise à nouveau : nous sommes liés, ontologiquement, à tous nos frères et sœurs de la terre car le Seigneur nous a créés à son image et à sa ressemblance, qui que nous soyons !
Il reste toujours dans l’homme un peu de la beauté primitive que Dieu nous a offerte !
Noël c’est l’émerveillement que le Christ provoque chez les bergers comme chez les mages !
Noël c’est l’éblouissement devant l’icône de la nativité !
Noël c’est la joie des enfants et des pères et des mères !
Mais Noël c’est aussi la tristesse d’être abandonné, oublié…
C’est aussi le froid et la faim qui accablent le corps…
C’est aussi l’humanité défigurée qui ne sait plus aimer…
Mais,   Noël c’est le Père qui nous offre le Fils !
Et le Fils devient homme pour que l’homme devienne Dieu.
Et  pour ce faire il commence à devenir semblable à nous, hormis le péché dont il portera toutes les conséquences…
Alors comment vivre Noël ?
Soyons tout simplement des obstinés à accueillir l’Amour de Dieu !
Soyons au même moment des obstinés à ouvrir les yeux tout grand devant l’homme qui souffre souvent dans l’innocence..
Soyons des obstinés de l’Amour !
La grotte de Bethléem nous offre l’espérance : «  Espère en Dieu ! prends cœur et prends courage ! Espère en Dieu » (ps.26 v.14)
Que l’humilité de Dieu soit votre joie !
C’est avec beaucoup d’amour que je vous souhaite ,Chers frères et sœurs, un joyeux Noël !
Amen.

+Archimandrite Syméon
      de Saint Silouane



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