Monastère Saint Silouane

XIXème dimanche après la Pentecôte

St Luc VI, 31-36
3 novembre 2024 Monastère Saint Silouane


Chers frères et sœurs !

Le Christ ne nous rappelle pas que Dieu veut pardonner à tous les hommes ; nous le savons bien nous qui avons déjà bénéficié de Son pardon. Non ; le Christ va plus loin : Il nous demande d’aimer nos ennemis…et assurément cet amour dépasse nos capacités humaines ! Mais abordons la question du point de vue de l’humanité. La demande du
Christ apparaît alors très réaliste car elle tient compte du fait que dans le monde il existe trop de violence, trop d’injustice et que par conséquent on ne peut dépasser cette situation qu’en lui opposant un plus d’amour, un plus de pardon.
Ce « plus » vient de Dieu : Sa miséricorde, incarnée en la personne du Christ, qui seule peut faire basculer le monde du mal vers le bien, à partir de notre consentement à vivre ce commandement du Seigneur.

C’est à ce prix que nous sortirons du cercle vicieux de la violence qui tient l’humanité prisonnière. La vengeance appelle indéfiniment la vengeance et la surenchère de violence. Le Seigneur nous montre ainsi l’issue que nous cherchons : le pardon libère l’homme et rend possible l’exercice de la seule vraie justice ; celle qui respecte la dignité de chacun, celle qui fonde la paix, celle que Dieu exerce et qu’Il nous invite à exercer, en véritables « fils du Très-Haut ».

Il est pourtant une résistance à vaincre pour accomplir la volonté divine. Il demande en effet « à celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre »
(faut-il donc se résigner au mal ?) et encore : « ne réclame pas à celui qui te vole » (faut-il alors laisser le mal arriver à ses fins ?). Si nous comprenons bien qu’il nous faut renoncer à la rancune et à la vengeance, devons-nous également accepter de renoncer à la justice ?

Bien sûr, il n’en est pas question. Le pardon s’oppose bien à la rancune et à la vengeance, mais il ne s’oppose pas à la justice. Cependant, la justice doit
être complétée par le pardon qui guérit les blessures et qui rétablit en profondeur les rapports humains perturbés.Prenons un exemple : réclamer au voleur ce qu’il a dérobé est la simple justice ; ne pas le faire est lui apprendre, en transformant le vol en don, que le chemin de la fraternité est encore accessible et toujours préférable. A quoi bon donc voler celui qui est prêt à offrir et à accueillir ? A quoi bon se faire des ennemis quand l’amour fraternel peut être
vécue ? Pardonner construit donc une humanité plus profonde et plus riche, capable de refléter l’amour inconditionnel de Dieu pour les hommes. C’est aussi ce
que nous laisse entrevoir le Christ quand Il dit « votre récompense sera
grande, et vous serez les fils du Très-Haut ».

C’est donc ainsi qu’il nous faut accueillir l’affirmation du Christ : « donnez et vous recevrez une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante qui
vous sera versée ; car la mesure dont vous servez pour les autres servira aussi pour vous ». Il ne s’agit pas de redouter que Dieu refuse de nous pardonner, nous avons déjà tous expérimenté que son pardon est premier. Mais pardonner comme Dieu nous y invite, nous aide à approfondir le mystère de Son amour pour nous. C’est par le pardon que Dieu nous apprend à aimer comme Lui-même aime. Ainsi, nous aurons de moins en moins de mal à nous exposer à Son pardon et à l’accueillir dans sa plénitude. La mesure dont nous nous servons pour le prochain servira aussi pour nous.

L’enseignement que nous donne le Christ aujourd’hui est donc radicalement nouveau et unique ; Il est à lui seul une vraie révolution, la révolution de ceux qui choisissent de lutter contre le mal en n’utilisant que les armes de la vérité et de l’amour. Ces moyens ne sont pas des moyens humains ; ils ne sont accessibles qu’à ceux qui se confient eux-mêmes, uniquement et sans réserve, à la bonté miséricordieuse de Dieu. Que le Seigneur nous donne de recevoir Son pardon et qu’Il nous fasse la grâce de nous manifester comme les fils du Très-Haut et qu’Il nous donne d’être miséricordieux comme Lui-même est miséricordieux.


Amen !

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