Monastère Saint Silouane

Dimanche du Pardon

17/3/24       Dimanche du Pardon    Mth VI, 14-21
 
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Demain nous entrerons dans la sainte quarantaine qui nous prépare à la fête de la Résurrection du Christ ; ce long moment qui nous est offert est un temps de préparation, de purification, un temps où l’Eglise nous propose au travers des différentes prières et rites la possibilité de puiser dans tout cela pour que nous puissions, à l’intérieur de notre cœur, être autrement, changer ;

c’est toujours une période extrêmement riche sur le plan spirituel car nous avons vraiment à notre disposition beaucoup de moyens pour entrer dans le repentir, le retournement intérieur ; mais vous avez remarqué que cet Evangile que nous venons d’entendre commence par une première proposition du Christ : pardonner ; avant même d’entrer dans d’autres détails de jeûne et autres macérations ou prières, Il nous conseille fortement d’entrer dans le pardon, le pardon que nous offrons à notre frère ou à notre sœur qui peut-être nous a blessé ou offensé, le pardon aussi que nous accueillons de la part de ceux et celles qui viennent nous demander d’accepter leur pardon ; et tout à l’heure, après la Divine Liturgie et les prières après la Communion nous célèbrerons les Vêpres du pardon à la fin desquelles les uns et les autres se demanderont pardon ; car en effet il ne peut y avoir d’entrée dans une période ascétique sans que notre cœur soit libre, libéré de tout action de jugement, de mépris, de rejet, de méchanceté et tout ce que nous savons encore ; pardonner, pardonner c’est aimer parce que si dans nos cœurs il n’y a pas d’amour qui accompagne ce pardon, ce n’est plus du pardon, c’est une espèce de gymnastique qui n’a aucun sens ; le pardon doit jaillir du coeur, c’est le cœur qui doit s’exprimer, le corps étant le support, la manifestation de ce que nous avons dans le cœur mais si nous n’avons rien dans le cœur, si nous pardonnons simplement d’une manière extérieure, nous sommes tout simplement des hypocrites, des menteurs ; et à quoi bon ensuite entrer dans une période ascétique si nous ne savons pas aimer ? Car tout ce qui génère un acte ascétique c’est l’amour, c’est l’amour que nous devons à notre Dieu, vers qui nous essayons d’avancer pas-à-pas dans une autre disposition qui est attendue par le Seigneur mais que nous n’avons pas encore atteinte – pour ce faire nous aurons à notre disposition non seulement les 40 jours de carême mais toute notre vie bien sûr ; oui, je vous le répète souvent et je pense que jusqu’à ma mort je le répèterai, rien n’est possible sur cette terre sans l’amour, l’amour de Dieu d’abord et l’amour que nous portons à nos frères et à nos sœurs quels qu’ils soient.
Alors après cette proposition du pardon qui est vitale, indispensable, sinon nous mourrons spirituellement, nous mourrons ; si nous ne pardonnons pas nous n’existons plus, nous sommes une espèce d’animal ; alors si nous arrivons à passer cette étape avec le cœur et nous y arriverons par la grâce de Dieu bien sûr, c’est pour cela que nous prions pendant 2, 3 heures pour nous préparer à ce pardon, pour que le Seigneur vienne en nous nous entraîner au pardon, pour qu’il soit sincère, pour qu’il soit mû par l’amour ; alors après cela demain nous pourrons entrer dans la période de ces 40 jours ascétiques où nous serons amenés à jeûner, à prier d’avantage, à aimer encore plus mais le Seigneur nous met en garde : attention, dit-il,  n’exposez pas votre jeûne comme dans une boutique de grands vêtements de marque, le jeûne doit rester intérieur, discret, invisible même et, dit-il, il vaut mieux se laver, se parfumer que de montrer ce qu’il est commun d’appeler une tête de jeûne parce que le jeûne doit nous rendre joyeux, heureux puisque nous entrons dans une période de purification ; c’est un peu comme si nous avions traversé un désert asséchant et que d’un seul coup, à notre disposition, il y a une source d’eau fraîche, c’est l’ascèse, la période de 40 jours, un courant d’eau fraîche qui va nous faire du bien à notre âme, à notre cœur car au travers de cela nous devons retrouver la paix, la joie, la simplicité, l’humilité, toutes ces qualités qui font qu’il est bon de demander au Seigneur cette grâce de vivre ce carême de cette manière ; j’ajouterai que pour ce qui est du jeûne, on me pose toujours la question, on me l’a posée déjà depuis 15 jours  : est-ce que je peux ne pas jeûner complètement parce que je suis vieux, je suis malade, j’ai tel problème, etc. Quand on me pose cette question c’est que l’on a oublié quelque chose de fondamental, c’est que le jeûne est un moyen et non un but ; celui qui terminerait ces 40 jours en disant je suis quelqu'un de bien j’ai jeûné pendant 40 jours, j’ai réussi ; et bien mes amis il n’a rien réussi du tout sinon de tomber dans l’orgueil ; et je l’ai souvent dit : le carême n’est pas fait pour être réussi, il est fait pour être vécu, ce qui n’est pas la même chose ; si nous ne pouvons pas suivre les règles du jeûne que l’Eglise nous propose – ce ne sont que des propositions non pas des obligations – si nous ne pouvons pas complètement jeûner, prenons ce qui est nécessaire à notre corps pour pouvoir tenir ces 40 jours ; il ne s’agit pas de s’évanouir tous les ¼ d’heure, non, humilions-nous en acceptant de manger quelque chose devant nos frères et sœurs qui n’est pas carémique, cet acte d’humilité a beaucoup plus de valeur que si je mangeais en en tirant de l’orgueil ; et puis il n’y a pas que l’alimentation qui entre dans le processus du jeûne : nous pouvons commencer par jeûner de l’imaginaire qui est dans notre tête ; tout ce que nous imaginons – en général négativement – sur tel évènement, telle histoire, telle personne, tel frère, telle sœur et cela tourne, et cela tourne et l’imaginaire continue et le démon roule là-dedans à pleine allure ; là il faut jeûner, couper le film, arrêter et revenir à Dieu ; et puis, vous le savez on peut peut-être se passer de certaines choses qui ne sont pas utiles : je pense à certaines émissions – elles sont nombreuses malheureusement – qui ne servent à rien que l’on regarde à la télévision ou que l’on écoute à la radio, tous ces mensonges, toutes ces bêtises ; quelque fois il peut y avoir une émission positive et intéressante, pourquoi  pas si elle nous fait du bien spirituellement ? Mais là nous devons essayer de comprendre : est-ce utile, est-ce que cela rentre dans mon jeûne ou est-ce que cela le détruit ? Il y a tous ces instruments que l’on voit partout dans la rue, dans les trains, dans les métros, dans les hôtels de luxe et quelque fois dans les cellules des moines – vous savez ce que cela veut dire – le téléphone portable, l’ordinateur, dont on ne peut pas se passer – il faut vivre avec sinon on ne vit plus, c’est le monde d’aujourd'hui ; je ne suis pas opposé à ces instruments, à la condition qu’on les utilise avec intelligence spirituelle, ils peuvent être très utiles mais ils peuvent être aussi destructeurs et nous empêcher justement de vivre l’amour ; autrement dit nous pouvons jeûner aussi de ces instruments, chacun selon son discernement ; nous pouvons jeûner de certaines lectures inutiles, de certaines revues qui nous arrivent, de cette obsession de vouloir absolument lire, lire, lire, regarder des revues qu’on oubliera au bout d’1/2 heure ; essayons de trouver un livre qui soit plutôt un livre à caractère spirituel pour le carême, une vie de Saint par exemple ou bien un commentaire d’un Père qui nous aidera, les livres sont très nombreux, beaucoup de ces livres dorment dans les bibliothèques au lieu d’être sur notre table de chevet, essayons d’en choisir un, s’il est petit on peut en prendre deux, trois si il faut, et puis nourrissons-nous de ce que nous lisons qui sera du coup dans l’orientation du carême, dans cette quête de repentir, dans cette quête de nous rapprocher de Dieu car c’est cela le repentir ; laissez derrière nous avec violence tout ce qui nous empêche de vivre avec Dieu et avancer avec joie vers Dieu au travers de tous ces moyens ; voilà le repentir ; après nous avons des choses dans l’Eglise qui nous sont proposées comme cette superbe prière – que l’on peut dire d’ailleurs en dehors du carême – que l’on appelle la prière de St Ephrem qui va scander tous nos Offices, dans les monastères, mais cela peut aussi être chez vous de temps en temps une fois par jour, un soir, au moins une fois par semaine ; elle est tellement belle cette prière ; elle résume tout, tout y est, si vous êtes attentifs ; nous lirons au début du carême le Canon de St André de Crète, c’est une œuvre magnifique qu’il a composée non pas avec son intellect mais avec son expérience et son cœur ; ce qu’il nous livre c’est ce qu’il vit, ce qu’il a vécu mais peut-être ce que nous vivons nous aussi. Dans ce canon il y a  deux parties, la partie où nous reconnaissons nos fautes, nous nous rappelons les fautes de nos ancêtres ; alors bien sûr ils en ont commis beaucoup puisqu’ils ont été nombreux et puis, les premiers en tout cas, étaient plus ou moins païens, ils faisaient un peu n’importe quoi mais c’est rappelé dans le canon et tout de suite après il y a  une deuxième partie où nous sommes consolés parce que le Christ est là, les Saints sont là pour nous aider à ne pas tomber dans les même erreurs que nos ancêtres ; et même si nous sommes tombés nous demandons pardon à Dieu tout au long de la récitation ou du chant de ce saint canon ; nous pouvons, chez nous dans nos maisons, en famille le lire en petits morceaux, l’étaler ; nous les moines nous le lisons les premiers jours du carême mais vous pouvez aussi le lire lentement, doucement et puis ensuite si vous ne pouvez pas faire comme les moines parce que vous n’êtes pas des moines, vous pouvez étaler la lecture de ce canon tout au long du carême, une page par jour c’est très bien, c’est un bon moyen et nous avons encore beaucoup de choses, beaucoup d’autres : l’Office des Présanctifiés qui est un des plus beaux Offices que l’Eglise ait pu composer et mettre à notre disposition ; nous allons prier pendant les Vêpres et ensuite recevoir les Saints Dons mis de côté le dimanche, nous allons les consacrer tout à l’heure pour l’Office des Présanctifiés, c’est cela que ça veut dire : Présanctifiés, devenus saints avant et on va les utiliser pour la Communion puisque nous n’avons pas de Liturgie pendant la semaine sauf pour l’Annonciation, les samedi et  évidemment les dimanche ; lisons tout cela, c’est comme un grand trésor, énorme qui ne tiendrait même pas dans un coffre ou dans une pièce grande comme celle-ci et même plus grande dont nous ouvririons les portes et regardions partout, tout ce qui est à notre disposition pour nous, des trésors pour nous et il faut les prendre, il faut les intégrer, il faut les vivre, il faut les goûter, c’est cela le carême ; alors je  souhaite à tous que le Seigneur  accorde sa grâce, que la Très Sainte Mère nous aide, que les Saints nous soutiennent pour cette longue période ; certes, à certains moments, cette période sera difficile, nous serons fatigués, affaiblis, lassés, tentés ; n’oubliez pas que le Christ a été tenté pendant 40 jours au désert or nous allons être pendant 40 jours au désert donc celui qui n’aime pas Dieu et ne nous aime pas va arriver ; en général c’est souvent au début du carême pour tout casser ; je me souviens lorsque j’étais jeune prêtre, tout jeune prêtre, même je crois que j’étais diacre et j’étais dans ma paroisse à Paris avec mon recteur et nous avions eu le dimanche du pardon puis le lendemain nous avions eu le  canon de St André de Crète le soir avec les Complies, je rentre dans le Sanctuaire et le prêtre se tourne vers moi et me dit : ca y est, ca commence, je me suis disputé avec ma femme, voilà, le démon était arrivé immédiatement, immédiatement, il en avait pris conscience c’était l’important ; mais voyez comment le démon agit et puis pendant toute cette quarantaine il va continuer, il va essayer : pourquoi  tu ne mangerais pas un petit bout de fromage ? Alors qu’on peut s’en passer ou bien il y a un gâteau qui est dans le frigo depuis trois jours, si tu ne le manges pas il va s’abîmer ; il y a toujours des raisons, vous savez, le démon est intelligent, ne l’oublions pas mais nous devons être nous des spirituels, ce qui est au-dessus de l’intelligence. Alors oui je demande à Dieu, le Seigneur miséricordieux, de nous accorder sa grâce pour que ce carême soit paisible, joyeux et qu’il nous guide vers un amour profond de Dieu et un amour profond de nos frères et sœurs.
Amen

 

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