Monastère Saint Silouane

Désir du festin

15/12/2019 Lc XIV, 16-24
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Approchez, approchez …, c’est ce que vous entendrez tout à l’heure au moment où le prêtre sortira avec le Calice pour vous offrir le Corps et le Sang du Christ ; venez, approchez. C’est ce que la Parole nous enseigne aujourd'hui au travers de cette histoire, cette parabole que le Christ raconte à ceux qui L’entourent pour leur faire comprendre quelque chose d’important comme à chaque fois qu’Il parle par parabole ; approchez, venez. Il n’a pas sélectionné ceux qui devaient s’approcher ; Il a simplement dit à tous : « Venez » ; le premier problème qui surgit c’est que plusieurs d’entre ceux qui sont invités s’excusent car ils ont tous une raison pour ne pas s’approcher, pour ne pas entrer dans la maison du festin ; ils ont une raison qui humainement s’explique mais en fait cette raison est dictée par l’égoïsme : « J’ai d’abord quelque chose à faire, oui, je veux bien mais j’ai quelque chose à faire, moi », autrement dit ce n’est pas ton invitation qui m’intéresse, c’est moi dans ce que je dois faire : j’ai un champ, j’ai des bœufs, etc, etc … Et là nous pouvons peut-être nous reconnaître au moins à un certain moment ; lorsque c’est l’heure de l’invitation, l’heure de la Liturgie, l’heure de la prière, l’heure de la rencontre avec le Seigneur qui est un festin, j’ai quelque chose à faire ; cela nous arrive à tous. Souvent quand je rentre dans ma cellule, au moment de la prière, j’ai quelque chose à faire, c’est curieux mais c’est comme ca, alors qu'est-ce que je fais ? Est-ce que je réponds à l’invitation : « Viens, viens dans le partage que je t’offre dans la prière » ou bien vais-je partager avec moi-même ce qui m’intéresse ? C’est tout le dilemme que nous avons ; entre oui, Seigneur et oui, mais … j’ai quelque chose à faire. Alors dans le récit de la parabole le maître du festin est fâché ; il n’est pas fâché de manière coléreuse, il est fâché parce qu'Il est triste ; Il a invité avec générosité, avec amour ; Il a invité à partager cet amour et puis on lui dit : « Oui mais excuse-moi, je ne peux pas ». Notre Dieu Lui aussi est triste lorsque c’est le moment de la rencontre avec Lui dans le festin qu’Il nous propose et que nous avons des raisons pour Lui dire : non, je ne peux pas même si on ne dit pas un non catégorique, c’est plutôt un oui, mais …, ce qui revient au même. Alors le maître de maison demande à ses serviteurs d’aller chercher tous ceux qui n’ont pas été invités mais qui sont dans la région, autour de la maison, du palais et qui sont des estropiés, des boiteux, des malades ; Il dit « Faites les rentrer dans mon palais, dans ma salle de festin » ; les serviteurs vont les chercher ; qui sont ces gens ? C’est nous, nous aussi dans un deuxième volet ; c’est nous les boiteux qui voulons bien avancer mais lentement, lentement ; c’est nous les estropiés, on dirait aujourd'hui les handicapés mais nous sommes tous des handicapés parce que le péché nous rend handicapés, parce que le non-amour nous rend handicapés, nous rend faibles mais le Seigneur invite quand même ceux qui sont handicapés, boiteux, malades ; et il se trouve qu’il reste encore de la place et le Seigneur dit : « Amenez en d’autres ». Alors pour nous cela doit nous faire réfléchir : nous sommes à la fois dans la catégorie de ceux qui disent : « Oui mais, je ne peux pas » et à la fois dans la deuxième catégorie : les boiteux, les hésitants, les malades mais nous avons une place, le Seigneur nous l’offre ; nous pouvons assister au festin, nous pouvons partager le festin même si nous sommes malades, boiteux, estropiés, aveugles, lépreux, peu importe, à condition d’accepter. Tout est possible.
Le prêtre dira : « Avec foi et amour, approchez », alors il faut savoir ce qu’il y a dans notre coeur au moment où nous approchons. J’ai quelques fois entendu des personnes me dire : « Je n’ai pas osé aller communier parce que je me sens pécheur, indigne ». Bon, d’accord ; mais alors qui va s’approcher du calice ? Personne, absolument personne parce que moi comme vous nous sommes avec des péchés, avec des faiblesses, avec des chutes, nous sommes handicapés mais justement le Seigneur dit : « Venez, approchez », il suffit d’avoir la foi et l’amour et si nous nous approchons, si nous goûtons au festin quelque chose d’extraordinaire se passe, Dieu se donne à nous ; ce n’est pas un festin ordinaire dont il est question, c’est le partage de la divinité : nous sommes appelés à être divinisés, à partager la divinité du Christ ; non pas être comme Dieu, comme Adam aurait voulu l’être inspiré par satan mais partageant la divinité de Dieu. Comprenons-nous que nous sommes invités à l’essentiel de notre vie, au but de notre vie ? Pour cela il faut que nous ayons dans le coeur un désir profond malgré notre faiblesse, en reconnaissant notre faiblesse – et c’est tout le sens de la prière que nous disons avant la Communion ; oui, nous sommes le premier des pécheurs ; si nous le reconnaissons et si nous avons ce désir d’une Communion avec Dieu, si nous avons ce désir d’être en communion sur cette terre, à chaque fois que nécessaire mais aussi dans l’Eternité pour toujours, si nous avons ce désir alors tout devient extraordinaire ; ce n’est plus l’ordinaire du oui, mais …, c’est l’extraordinaire : « oui, je viens ».
Ensuite il est dit dans la dernière partie de la parabole qu’il reste encore des places ; pour qui sont ces places ? Pour l’humanité entière, pour ceux qui ne sont pas là directement présents, qui cherchent, comme St Paul dit, à tâtons, avec un voile peut-être devant les yeux et qui ont aussi un désir, un désir d’amour – cela c’est le désir général de toute l’humanité. Pour ceux-là il y a aussi de la place mais il faut que nous soyons responsables d’eux en acceptant nous-mêmes de prendre place au festin avec conscience, avec désir ; alors oui, non seulement nous nous gouterons au festin, au partage divin mais nos frères et nos sœurs du monde entier pourront un jour accéder à ce festin. Vous le comprenez, il faut qu’il y ait en nous un désir profond qui chasse toutes raisons de ne pas venir au festin. Je terminerai en citant cette phrase de St Syméon le Nouveau Théologien : « Viens, toi que j’ai désiré et que désire mon âme misérable »

Amen

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